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Les mondes de Gotlib

Rencontre autour de l'exposition quit met à l’honneur une figure majeure de la bande dessinée française, le dessinateur Marcel Gotlieb, dit Gotlib.

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Rassemblant près de deux cents planches originales (publiées mais jamais exposées), ainsi que des archives photographiques, écrites et audiovisuelles, l’exposition fait converser l’artiste, le juif athée et l’anticonformiste.

Combinant approche chronologique et approche thématique, ce portrait, porté par la généreuse complicité de Gotlib, retrace son parcours d’homme et d’artiste.

Né à Paris le 14 juillet 1934, Marcel Mordekhaï est le fils du peintre en bâtiment Erwin Tzvy Gottlieb et de la couturière Régine Berman, immigrés juifs de langue hongroise. L’artiste Gotlib est resté ce galopin qui a grandi entre les rues Ramey et Ferdinand-Flocon dans le XVIIIe arrondissement. Enfant caché pour échapper à la persécution antisémite dans la France occupée – son père, déporté, est assassiné à Buchenwald en février 1945 –, Gotlib sera marqué par cette expérience traumatisante.

Mais, fort des acquis de l’école française, il trouvera sa voie dans le métier de dessinateur.

En 1962, il fait ses débuts dans la bande dessinée au journal Vaillant ; trois ans plus tard, il entre à Pilote. Avec René Goscinny, son père spirituel, il crée « Les Dingodossiers », puis il mènera seul sa « Rubrique-à-Brac ».

En 1972, avec Claire Bretécher, il rejoint Nikita Mandryka pour publier L’Écho des Savanes. À partir de 1975, il fonde son propre journal, Fluide Glacial. En 1991, il reçoit le grand prix du Salon international de la bande dessinée d’Angoulême.

Dans ses dessins comme dans ses textes, Gotlib oscille du dérisoire à l’absurde. Son goût pour l’autoportrait, les gags, la satire, l’humour noir et les jeux de langage est le moteur d’une superbe maîtrise du récit, qu’il testera également au cinéma.

Ses personnages – Isaac Newton, la Coccinelle, Gai-Luron, le professeur Burp, Superdupont, Hamster Jovial, Bougret et Charolles – composent une distribution singulière au sein du paysage de la bande dessinée française. Gotlib, non sans tendresse, place le lecteur face aux excès de l’homme, être mélancolique et fragile, souvent pris aux pièges de ses désirs et de son instinct. Dans L’Écho des Savanes puis à Fluide Glacial, l’artiste explore les territoires de la sexualité et défie la religion, tandis que le personnage de Superdupont lui sert à dénoncer et à moquer les aspects étriqués d’une France repliée sur elle-même. Sortant du répertoire plastique de la bande dessinée des années 1960 et 1970, Gotlib fait exploser le cadre conventionnel de la case, tout en donnant une place essentielle au traitement du texte et de la lettre – ce qui n’est pas sans rappeler le rôle de ces derniers dans la culture juive. Son œuvre fait de lui un des accoucheurs du renouveau de la bande dessinée, désormais affranchie de l’école belge et de la ligne claire.

Au fil de l’exposition, on croisera ses maîtres (René Goscinny, Harvey Kurtzman, André Franquin et les Marx Brothers) ainsi que ses complices (Alexis, Fred, Reiser, Mandryka, Bretécher, Lob, Solé, Patrice Leconte et les Monty Python...).