Judaïsme, identité et politique chez Schönberg
Dialogue enregistrée entre Esteban Buch, spécialiste des rapports entre musique et politique au XXe siècle, et Danielle Cohen-Levinas, philosophe et musicologue. Rencontre modérée par Karine Le Bail, historienne (CNRS) et productrice de radio (France Musique)
Le parcours de Schönberg est marqué par l’ambivalence avec laquelle le compositeur se confronte à son identité. Issu d’une famille juive, il se convertit au protestantisme en 1898. Progressivement, cependant, il est confronté à des questionnements identitaires propres au judaïsme, au gré des bouleversements politiques que connaît l’Europe et de la montée de l’antisémitisme. Contraint de quitter l’Allemagne en 1933 pour les Etats-Unis, il revient officiellement au judaïsme au cours d’une cérémonie à l’Union Libérale Israelite, le 24 juillet 1933, lors de son passage à Paris ; Marc Chagall et Dimitri Marianoff, le beau-fils d’Albert Einstein, sont ses témoins. Nombre de ses œuvres musicales portent la trace de cette évolution, de Moses und Aron à A Survivor from Warsaw.
Danielle Cohen-Levinas est philosophe, musicologue et poète. Elle est professeur de musicologie à l’université Paris IV-Sorbonne où elle a fondé le Collège des études juives et de philosophie contemporaine. Spécialiste de l’idéalisme musical allemand et de l’opéra, elle poursuit également des recherches en tant que chercheur associé aux Archives Husserl (centre de recherche en philosophie de l’ENS). Elle est l’auteur de nombreux essais et articles, et a publié plusieurs ouvrages consacrés à la musique et la philosophie contemporaine. Plus précisément sur Schönberg, on lui doit Le Style et l’Idée d’Arnold Schoenberg, nouvelle édition établie et préfacée par Danielle Cohen-Levinas, Buchet/Chastel, 2002. Le siècle de Schöenberg (dir.), Hermann, 2010. Elle publie à l’automne 2016 L'irreprésentable. Schönberg, la Passion selon Moïse, (éditions du Félin).
Esteban Buch est directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales de Paris. Spécialiste des rapports entre musique et politique au vingtième siècle dans une perspective historique et musicologique, il a consacré des recherches à des figures du canon musical classique et contemporain, telles que Beethoven, Schönberg et Ginastera. A partir d’une enquête sur les musiques politiques (hymnes nationaux), il travaille sur la musique dans des contextes de violence politique tels que la Première Guerre mondiale ou les dictatures militaires en Argentine. Il s’intéresse également aux rapports entre musique savante et musique populaire (le tango en particulier), dans le cadre d’une réflexion plus générale sur les théories sociologiques de la culture.
Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Le cas Schönberg – Naissance de l’avant-garde musicale (Gallimard, 2006), La Neuvième de Beethoven – Une histoire politique (Gallimard, 1999) et Histoire d’un secret – A propos de la Suite Lyrique d’Alban Berg (Actes Sud, 1994).
Son dernier ouvrage paraît à l’automne 2016 Trauermarsch, L’Orchestre de Paris dans l’Argentine de la dictature (Seuil).
Karine Le Bail est historienne, chercheuse au CNRS (Centre de recherches sur les arts et le langage, CNRS/EHESS) et productrice sur France Musique. Elle a notamment publié chez CNRS éditions Pierre Schaeffer, les constructions impatientes (2010), Jean-Louis Barrault, une vie sur scène (2010) et les mémoires d’Henry Barraud, Un compositeur à la tête de la Radio (2010) et La musique au pas, être musicien sous l’Occupation (2016).