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Pierre Abensur (né en 1962),  Mausolée de Khomeney, Centenaire de la naissance de l'Ayatollah, Téhéran, Iran, 1999

Juifs d'Iran, Le coeur perse Photographies de Pierre Abensur

Du 5 juin au 30 septembre 2002

Présents dans le pays depuis la conquête de Babylone par le roi perse Cyrus, en 538 avant J.-C., les Juifs d'Iran ont traversé toute l'histoire de cette terre à laquelle ils restent fortement attachés.

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Pierre Abensur (né en 1962),  Mausolée de Khomeney, Centenaire de la naissance de l'Ayatollah, Téhéran, Iran, 1999

Pourtant, loin des conversions forcées, pogroms et massacres qui ont ponctuellement marqué leur histoire entre le VIIe et le XIXe siècle, les Juifs n'ont jamais été aussi près de disparaître de ce qu'ils considèrent encore comme leur patrie. Ils étaient plus de quatre-vingt mille sous le règne du Shah, et seulement la moitié après la révolution. Pendant la période la plus sombre de la République islamique, il était très difficile d'obtenir un passeport et une autorisation de sortie, au point que les départs se faisaient au compte-gouttes, souvent dans l'illégalité. L'assouplissement du régime, marqué par l'arrivée du président Khatami, a permis aux Juifs de quitter plus facilement le pays alors que certains, entrevoyant quelles améliorations ce réformateur pourrait apporter, ont décidé de rester.

Mais ces espoirs ont été balayés par l'affaire des treize Juifs accusés d'espionnage. Tout le monde savait qu'il s'agissait d'une manœuvre des conservateurs visant à détruire la politique de rapprochement avec les Occidentaux, mais la pression devenait trop forte et les départs se sont amplifiés, à raison de mille cinq cent chaque année.

Aujourd'hui, la communauté compte moins de vingt mille personnes réparties entre Téhéran, Chiraz, Ispahan et Kemansha. Confrontés à la pénurie d'emplois et aux difficultés qu'ils rencontrent pour se marier, les jeunes gens partent les premiers, bientôt rejoints par leurs familles qui supportent mal la séparation. La destination préférée reste les États-Unis, pays en paix, où les Juifs savent qu'ils pourront retrouver une importante communauté iranienne… et soigner leur cœur perse.

« Vivant dans le pays depuis quelques deux mille cinq cent ans, la communauté juive d’Iran se résout difficilement à quitter le pays malgré les incertitudes qui pèse sur elle. Fiers de leurs origines, les Juifs d’Iran revendiquent leur enracinement dans la terre perse, comme en témoigne chacun des groupes rencontrés.

Ce sont ces gens d’Ispahan qui, chaque samedi matin, traversent la moitié de la ville à pieds pour se rendre à Jamborey, l’ancien ghetto juif, célébrer le Shabbat dans de vieilles synagogues familiales décaties mais si belles dans leur modestie. C'est cet homme, tenant un drapeau iranien dans une main et un iris (fleur symbole du pays) dans l’autre, qui pose d’un air contrit devant le mausolée de l’Ayatollah Khomeyni, entouré de portraits de l’imam défunt, alors que treize de ses coreligionnaires sont accusés d’espionnage et menacés de peine de mort. Dans les mêmes lieux, cette femme, qui, au milieu d’une foule muette, trouve le courage d’interpeller le président Khatami pour lui demander ce qu’il va advenir de son fils, membre du groupe inculpé. C'est ce commerçant de Téhéran qui, après avoir vendu sa boutique au prix fort, n’a pas pu se résoudre à partir alors que la Révolution approchait parce que sa femme pleurait tous les jours en jurant que l’Iran était leur pays et qu’ils ne trouveraient jamais le bonheur ailleurs. Ou ce directeur de maison de repos qui, dans un français impeccable vous assure que n’ayant pas encore vécu « sa renaissance culturelle », l’Iran reste une grande nation pleine d’avenir, y compris pour les Juifs. Ou encore Nasser, revenant pour la première fois visiter sa famille après douze années passées à Los Angeles, qui avoue que son pays lui manque. Son départ avait été motivé par une garde à vue de vingt-quatre heures au commissariat, due au simple fait d'avoir invité quelques amis chez lui le soir de son mariage.

Néanmoins, c’est essentiellement pour des raisons économiques que les candidats au départ sont de plus en plus nombreux. Le pays est exsangue et les responsables de la communauté juive font remarquer que de nombreux musulmans cherchent aussi à émigrer. La grande différence est que les Juifs doivent le faire dans une semi clandestinité. Ne pouvant afficher leurs projets de départ, ils déclarent se rendre en vacances et se gardent bien de vendre leur maison ou leur voiture. Ces biens deviennent alors propriété de l’État.

De longues racines et de moins en moins de branches… »

Pierre Abensur

Pierre Abensur, né en 1962, est photographe-reporter, collaborant notamment à La Tribune de Genève; ses images sont publiées en Europe et aux Etats-Unis. Depuis cinq ans, il poursuit un travail de fond sur les communautés juives en terre d'Islam. L'ensemble des images présentées dans l'exposition ont été prises lors d'un séjour du photographe en 1999.

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