Joseph Kessel
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À l’occasion de l’édition des Œuvres, dans la collection «Quarto », chez Gallimard (2010)
Avec la participation de Gilles Heuré, éditeur du volume et grand reporter à Télérama ; Hubert Bouccara, libraire-éditeur, spécialiste de Kessel ; Jean Rouaud, écrivain et Michèle Kahn, écrivain, fondatrice du prix Kessel
«... pour remplacer le compagnon dont le nom magnifique a résonné glorieusement pendant un millénaire dans les annales de la France; dont les ancêtres, grands soldats, grands seigneurs, grands dignitaires, amis des princes et des rois, ont fait partie de son histoire d’une manière éclatante, pour le remplacer, qui avez vous désigné ? Un Russe de naissance, et juif de surcroît. Un juif d’Europe orientale. [...] vous avez marqué, par le contraste singulier de cette succession, que les origines d’un être humain n’ont rien à faire avec le jugement que l’on doit porter sur lui. » Ainsi s’exprimait en 1962, lors de son élection à l’Académie française, Joseph Kessel (1898-1979), ce grand reporter d’exception, ce journaliste écrivain qui fut surnommé « L’Empereur » par ses confrères. L’écho de son oeuvre peut paraître lointain, tant les mœurs journalistiques qui ont présidé à sa carrière semblent à présent révolues ; cette résonance n’en est pas moins évidente, quand on réalise à quel point il fut aussi le témoin de bien des fureurs qui se prolongent aujourd’hui.
Joseph Kessel est né à Clara (Argentine), le 10 février 1898. Fils de Samuel Kessel, médecin juif d’origine lituanienne, il vécut en Argentine ses toutes premières années, pour être emmené ensuite de l’autre côté de la planète, à Orenbourg, sur l’Oural de 1905 à 1908. Il fit ses études secondaires au lycée Masséna, à Nice, puis au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Tenté un temps par le théâtre, Joseph Kessel choisit de prendre part au combat et s’enrôle comme engagé volontaire en 14-18, d’abord dans l’artillerie puis dans l’aviation. À sa majorité, il a déjà la croix de guerre, la médaille militaire, a déjà fait deux fois le tour du monde. C’est alors qu’il demande la nationalité française. Il écrit pour Le Journal des Débats, La Liberté, Le Figaro, le Mercure de France.
Correspondant de guerre en 39-40, il rejoint après la défaite la Résistance avec son neveu Maurice Druon, gagne Londres et s’engage dans les Forces Françaises Libres du général de Gaulle. C’est en mai 1943, dans la banlieue de Londres, que Kessel et Druon composent les paroles du Chant des Partisans, chant de ralliement de la Résistance. Joseph Kessel publie en hommage à ces combattants L’Armée des ombres. À la libération, il reprend son activité de grand reporter ; c’est lui qui reçoit le premier visa du tout nouvel Etat d’Israël puis ce sera l’Afrique, la Birmanie, l’Afghanistan, la Chine... Il aura publié plus d’une soixantaine d’ouvrages.