Esquisse préparatoire pour Visages
©Edward Hillel
À travers douze visages, la mémoire surgit de l’obscurité : dans une salle sombre, les portraits de Lucie Aubrac, Geneviève de Gaulle, Guy de Rothschild ou encore Simone Veil, sont présentés sur des stèles et rétro-éclairés.
Isolé dans un cadrage serré, chaque visage nous fait face. Qui regarde qui ? Dans la perspective infinie des regards qui se croisent, l'aveuglement de l'humanité inquiète. Elle se découvre, nous fait signe. Edward Hillel a fait don au MAHJ de cette œuvre en 2004. Réalisée entre 1993 et 1997, elle a été exposée à Grenoble, Toulouse, Valenciennes, Berlin et Prague. Elle inaugure une série de travaux que l'artiste a produit sur le thème de l'histoire et de la mémoire de l'Europe au XXe siècle.
Visages interroge l’Histoire récente, celle de la Seconde Guerre mondiale, et, plongeant le visiteur dans une pénombre que n’éclairent que des portraits photographiques, crée ce que l’artiste nomme « miroir mnémonique », comme le retour sur soi d’un écho du passé.
Qu’ils aient été déportés, juifs, résistants, communistes, militaire, prêtre, tous ceux que réunit cette série de portraits ont été pris dans la tourmente. Si certains sont aujourd’hui d’éminentes personnalités, tous étaient de simples citoyens qui ont connu la défaite de la France, l’instauration du régime de Pétain, et qui, comme beaucoup d’autres, ont été face à un choix.
« Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu » (Chamfort).
Pour Geneviève de Gaulle Anthonioz, « les passionnés ont été les gens raisonnables. [...] On m’a raconté que tout le monde s’étonnait quand j’ai été arrêtée : “Mais, cette pauvre Geneviève, est-ce qu’elle avait besoin de faire ça ?” Finalement, c’est nous qui avions raison. J’attache beaucoup d’importance à cette notion “déraisonnable”, à ce qui paraît déraisonnable et qui est raisonnable en réalité. »
Portraits et témoignages sont ici présentés de façon frontale. Au-delà – en deçà – d’une Histoire qui interprète, qui reconstruit, l’œuvre accepte et revendique la fragilité d’une parole, qui est aussi sa force. Chacune donne une version, sa version, d’événements parallèles, et de cette confrontation naît une réalité infiniment dense.
Citoyen canadien, originaire d’Irak, Hillel s’installe en France en 1990 et vit actuellement entre New York, Paris et Montréal. Réalisé entre 1993 et 1997, Visages est présenté à Paris pour la première fois, dans cette configuration, après avoir été exposé, notamment au Centre de Documentation juive contemporaine en 1994, et dans différents musées en France et en Europe.
Avec les portraits et les témoignages de : Lucie Aubrac, Charles Baron, Henri Bulawko, Yvette Farnoux, Geneviève de Gaulle Anthonioz, Pierre Mussetta, R. P. Michel Riquet, Guy de Rothschild, Fernande Schalit, Rosette Schalit-Brzyski, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Simone Veil.
Visages a été réalisé avec l’aide de la Fondation du Judaïsme français et de l’Institut Alain de Rothschild.