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Rituel pour la veillée pascale (Haggadah shel Pessah)

Anonyme

Allemagne, 1731

Encre sur parchemin, 23 x 17 x 2,5 cm

Dépôt de la fondation Pro-mahJ, don de Philippe, Michel et Florence Léon

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Haggadah shel Pessah, Allemagne, 1731

La fondation Pro mahJ vient de recevoir le don d’une exceptionnelle Haggadah de Pessah – le récit de la Sortie d’Égypte lu au cours du repas rituel du seder par lequel débute la célébration familiale de la Pâque juive. Copiée et décorée à la plume sur parchemin en 1731 par un scribe anonyme, cet ouvrage exceptionnel a été offert par Philippe, Michel et Florence Léon, qui l’avaient hérité de leur mère, Françoise Lévy-Bruhl. Adoptant la forme, commune pour les livres à l’époque moderne, d’un portail architecturé conduisant le lecteur vers le texte, la page de titre est richement ornée avec, de chaque côté, les figures de Moïse et Aaron, et au centre du fronton le roi David jouant de la lyre. On notera aussi le motif des deux colonnes rappelant celles placées à l’entrée du sanctuaire du Temple de Jérusalem, Yakhin et Boaz, et deux vases de fleurs, motif d’art populaire symbolisant l’arbre de vie auquel est assimilée la Torah. Le titre de l’ouvrage, en grands caractères, est suivi d’un descriptif sur deux colonnes : « Avec des dessins sur tous les signes et prodiges qui se sont produits pour nos pères en Égypte, en mer et dans le désert et tout le saint Seder et l’ablution et toutes les plaies d’Égypte et d’autres choses très belles. » En-dessous, un médaillon porte la date hébraïque : « l’année 491 D[u petit comput] », c’est-à-dire 5491 depuis la création du monde ou 1731 dans le calendrier grégorien. Des versets bibliques en petits caractères courent sur les trois autres côtés. Cette haggadah (pl. haggadot) se distingue par la fraicheur de ses illustrations à la plume, légendées en cursive yiddish, langue également employée, en complément de l’hébreu carré du texte principal, pour les consignes données aux convives tout au long du repas. La composition d’ensemble et les vignettes sont inspirées d’une célèbre haggadah avec commentaires composée par Daniel Zafrani de Guastalla, imprimée à Venise en 1609 par Giovanni di Gara, en trois versions (judéo-espagnol, yiddish et judéo-italien) pour s’adapter aux différentes communautés vivant alors dans la péninsule. Elle est rééditée avec quelques variantes en 1629 par Pietro Alvise et Lorenzo Bragadin, notre manuscrit étant plus proche de cette seconde version. Toutefois, l’emploi du yiddish, la calligraphie et le nom d’un propriétaire porté à la fin de l’ouvrage, « Zalman, fils d’Elkhanan Oppenheim », pointent plutôt une origine germanique. Si des recherches restent à conduire pour identifier ce personnage, la famille des donateurs comporte une branche allemande, avec plusieurs ancêtres venant de Bavière, de Francfort-sur-le-Main ou de Worms et le patronyme Oppenheim y est attesté. Comme l’annonce la page de titre, les vingt-cinq folios du manuscrit sont richement ornés, comportant quelque trente-quatre illustrations horizontales, placées en bas ou en haut de page (parfois les deux) et trois pages divisées en petites vignettes, deux avec les étapes du seder et une autre illustrant les dix plaies d’Égypte. Tous les sujets sont tirés de la haggadah, mais le récit biblique est souvent enrichi de détails puisés dans le midrash (corpus de commentaires légendaires compilé dans les premiers siècles de notre ère). Le texte est encadré de colonnes autour desquelles s’enroulent des rinceaux végétaux, parfois remplacées par les figures de Moïse et Aaron ou de David et Salomon, le tout étant couronné de frontons à rampants de style maniériste. Les haggadot manuscrites du XVIIIe siècle étaient destinées à une clientèle particulièrement fortunée, le commun des mortels se contentant de livres imprimés à bas prix. Leurs illustrations s’inspirent très souvent des plus belles éditions imprimées, le dessin étant parfois rehaussé de couleurs. Le modèle le plus fréquemment copié (plusieurs dizaines d’exemplaires attestées) est la haggadah imprimée à Amsterdam en 1695 par Asher Anshel ben Eliezer, reprise en 1712 par Salomon Proops, dont les gravures sur cuivre ont été adaptées par un certain Abraham Bar Yaacov – prêtre allemand converti au judaïsme –, des Iconae Biblicae de Matthäus Merian dit Mérian l’ancien (1593-1650) illustrant la bible de Luther. Ce modèle a été largement diffusé, inspirant des centaines d’éditions jusqu’à nos jours dans tous les grands centres d’impression hébraïque. Les gravures sur bois de la haggadah vénitienne de Daniel Zafrani, dont on ne connaît pas l’origine – plus archaïques dans leur composition et leur iconographie – et qui inspirent le don fait au mahJ, ont été nettement moins copiées. Elles sont certes reprises au XIXe siècle à Livourne dans des éditions avec judéo-espagnol destinées à la diaspora séfarade, mais apparemment peu connues des scribes ashkénazes. Les seuls autres exemples de manuscrits inspirés par ce modèle que nous connaissons aujourd’hui étant trois haggadot copiées par un même scribe, un certain Abraham d’Irhringen  –  du nom d’une petite ville du Bade-Wurtemberg, non loin de la frontière alsacienne  –, la première en 1732, un an à peine après notre exemplaire, les suivantes en 1740 et 1656, manuscrits appartenant respectivement au musée d’Israël, à la collection de Victor Klagsbald, récemment disparu, et au Jewish Museum de Londres. Nos recherches n’étant pas achevées, nous espérons bien remonter plus loin dans l’histoire de ce magnifique ouvrage. Ce don, qui constitue un enrichissement très important des collections du mahJ sera dévoilé, dès après le confinement, dans les salles de la collection permanente du mahJ.

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