L’Europe de la Bible et des Grecs
Colloque Emmanuel Levinas, partie 1 : L’Europe de la Bible et des Grecs
Sous la direction de Danielle Cohen-Levinas, en collaboration avec le Collège des études juives et de philosophie contemporaine – Centre Emmanuel Levinas, université Paris-Sorbonne (EA 3552)
Figure majeure de la scène philosophique française au XXe siècle, nourri aux sources du judaïsme et de la phénoménologie, Emmanuel Levinas, a joué un rôle essentiel dans le renouveau de la pensée occidentale et juive après la Seconde Guerre mondiale.
Ce colloque traite des diverses manières dont le philosophe a placé au centre de ses préoccupations le face-à-face historique et philosophique entre Athènes et Jérusalem. Cette confrontation inaugure un autre rapport à l’histoire, au monde et à l’homme, auxquels des penseurs aussi féconds que Hermann Cohen (1842-1918), Franz Rosenzweig (1886-1929), Leo Strauss (1899-1973) et Emmanuel Levinas à leur suite, vont s’attacher.
Ce colloque revient sur la priorité donnée à l’éthique que Levinas puise dans la sagesse biblique, dans un idéal de proximité sociale et dialogale issue du judaïsme. « La Bible respire autrement » écrit Levinas. Cependant, et c’est un point essentiel de sa pensée, cet autrement exige ce qu’il nomme une « traduction en grec », à savoir, en langage universel. Traduire en grec des principes que la Grèce ignorait, tel est le vecteur de sa pensée. Il y va d’un rapport à l’histoire, à la religion, au christianisme, à la politique qui s’en trouve radicalement renouvelé.
Quatre demi-journées, au croisement des philosophies de l’histoire, de la phénoménologie et de la philosophie juive.
De qui et de quoi le face-à-face entre Athènes et Jérusalem est-il aujourd’hui l’écho et comment repenser à nouveaux frais ces deux massifs en l’ouvrant à des préoccupations contemporaines d’ordre théologique et politique ?
Programme
Jeudi 15 mars 2018
> 9h30
Ouverture par Paul Salmona, mahJ, et Danielle Cohen-Levinas, université Paris-Sorbonne
L’Europe de la Bible et des Grecs
Présidente de séance : Dominique Schnapper, EHESS, présidente du mahJ
> 10h-10h45
« Kaunas : entre Athènes et Jérusalem »
Dominique Bourel, directeur de recherches émérite au CNRS, ancien directeur du Centre de recherches françaises de Jérusalem
> 10h45-11h30
« L'ontologie et son double : éléments pour une contre-histoire de la métaphysique »
Dan Arbib, Ecole normale supérieure-La République des Savoirs
> 11h30-11h45 : pause
> 11h45-12h30
« Sur Être juif : traduire en grec des principes que la Grèce ignorait »
Danielle Cohen-Levinas, université Paris-Sorbonne
Philosophie, judaïsme, littérature et esthétique
Président de séance : Danielle Cohen-Levinas
> 14h30-15h15
« Levinas “allergique” ? Quelques remarques d'ordre historique »
Myriam Bienenstock, université de Tours
> 15h15-16h
« Jérusalem et Athènes dans la philosophie dialogale de Buber et Levinas »
Irène Kajon, Sapienza, università di Roma
> 16h-16h15 : pause
> 16h15-17h
« Levinas, Blanchot, Hölderlin, Celan »
Vivian Liska, universités de Jérusalem et d’Anvers
> 17h00-17h45
« Le moment esthétique : Levinas et Rothko »
Laure Barillas, doctorante à l’ENS-Ulm
> 17h45-18h30
« Levinas, philosophe ou penseur juif ? »
Sophie Nordmann, EPHE, Paris
Vendredi 16 mars 2018
Judaïsme et christianisme
Président de séance : Dan Arbib
> 9h15-10h
« Moriah ou Mambré ? Abraham entre Kierkegaard et Levinas »
Vincent Delecroix, EPHE, Paris
> 10h-10h45
« L’Infini est-il une question théologique ? »
Camille Riquier, Institut catholique de Paris
> 10h45-11h : pause
> 11h-11h45
« Emmanuel Levinas et le christianisme »
Philippe Capelle Dumont, université de Strasbourg et Institut catholique de Paris
> 11h45-12h30
« La conception relationnelle de la création chez Levinas »
Paul Clavier, université de Nancy
Éthique et politique
Président de séance : Danielle Cohen-Levinas
> 14h30-15h15
« Emmanuel Levinas et la citoyenneté française »
Dominique Schnapper, EHESS, Paris
> 15h15-16h
« De l'autre homme - après la crise de l'humanisme et les inconséquences de l'anti-humanisme »
Jean-Claude Monod, CNRS-ENS-Ulm
> 16h-16h15 : pause
> 16h15-17h
« Levinas et Jankélévitch. L’éthique d’abord »
Pierre-Alban Gutki-Guinfolleau, doctorant à l’ENS-Ulm, l’institut catholique de Paris
> 17h-17h45
« Peut-on sortir de l’histoire ? »
Perrine Simon-Nahum, CNRS-ENS-Ulm
> 17h45
Conclusion
Danielle Cohen-Levinas
Les actes du colloque seront publiés aux éditions Hermann.
Emmanuel Levinas
Né en Lituanie, alors partie intégrante de l’Empire russe, Emmanuel Levinas (1906-1995) est naturalisé français en 1930. Lors de la Première Guerre mondiale, sa famille fuit les provinces baltes et se réfugie en Ukraine. Il grandit dans un milieu russophone. La lecture de Pouchkine, Lermontov, Tolstoï et Dostoïevski est déterminante pour sa formation, tout comme l’apprentissage, dès l’enfance, de l’hébreu biblique.
En 1923, il se rend à Strasbourg pour étudier la philosophie, puis à Fribourgen-Brisgau (Allemagne) en 1927 pour y suivre les cours d’Edmund Husserl et de Martin Heidegger. Ce contact avec la phénoménologie imprègne tout son œuvre. Durant la Seconde Guerre mondiale, il est capturé par l’armée allemande et, dès 1942, déporté dans un commando de prisonniers juifs où il restera jusqu’à la fin de la guerre.
Il échappe à l’extermination en tant que soldat français, protégé par la Convention de Genève, mais toute sa famille demeurée en Lituanie est assassinée.
Dès lors, sa philosophie s’engage dans la voie d’une réflexion sur l’éthique et sur l’altérité. Le judaïsme devient pour lui une source, au même titre que la tradition philosophique occidentale.
Dès 1945, il dirige l’École normale israélite orientale (ENIO). Sa thèse d’État est publiée en 1961, sous le titre de Totalité et Infini (éd. Le Livre de Poche). De 1968 à 1972, il est maître de conférences à l’université de Nanterre. Emmanuel Levinas constitue une des figures majeures des colloques des intellectuels juifs de langue française où il prononce régulièrement ses « leçons talmudiques » (publiées toutes aux éditions de Minuit, 1968-1996). Ses séances d’exégèse biblique à partir du commentaire de Rachi, chaque samedi à l’ENIO sont restées célèbres. Nommé professeur à la Sorbonne de 1973 à 1976, il meurt à Paris en 1995, alors que l’importance de sa pensée, discutée pourtant dès les années 1960, se voit enfin reconnue par le grand public.
Levinas a influencé des générations entières de penseurs dans les domaines les plus divers, à commencer par Jacques Derrida, mais aussi les philosophes et théologiens d’inspiration chrétiennes ou encore la philosophie du « care » [soin et attention portée à autrui]. Il continue à être lu et débattu par les philosophes les plus contemporains tels que Jean-Luc Marion, Judith Butler, Corine Pelluchon, etc.
Parmi ses nombreux ouvrages : Autrement qu’être ou au-delà de l’essence (1974) ; Difficile liberté (1963) ; Humanisme de l’autre homme (1972) ; Quelques réflexions sur la philosophie de l’hitlérisme (1992, première édition 1934) ; Les Carnets de captivité et autres inédits (2009) ; Être juif (2015, première édition 1947).