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Had Gadya (un chevreau)

El Lissitzky (Lazar Eliezer Lissitzky, dit ; Potchinok, province de Smolensk, 1890 – Moscou, 1941)

Kiev, Kooperativer farlag Kultur-Lige, 1919

Onze gravures sur zinc sur papier, 26,5 x 24 cm chacune

Acquis avec le concours du Fonds régional d’acquisition des musées d’Île-de-France et de Claire Maratier.

Image
El Lissitzky, Had Gadia

El Lissitzky (Lazar Eliezer Lissitzky, dit ; Potchinok, 1890 – Moscou, 1941), Had Gadya, Kiev, 1919

Né à Vitebsk en 1890, El Lissitzky étudie en Allemagne à la Darmstadt Technische Hochschule avant de revenir en Russie en 1914. Il s’intéresse alors à la culture juive traditionnelle, participant – sous la houlette de l’homme de lettres An-Sky (Shloyme Zanvl Rapoport, 1863-1920) et aux côtés d’autres artistes comme Issashar Ber Ryback (1897-1935) –, à des expéditions pour le compte de la Société d’histoire et d’ethnographie de Saint-Pétersbourg. Ces enquêtes dans la « zone de résidence », où sont confinés l’essentiel des juifs de l’Empire russe, renouvellent à la fois son inspiration et son vocabulaire formel.

Had Gadya, littéralement « un chevreau », est le titre d’une comptine traditionnelle en araméen de la Haggadah (le récit de la sortie d’Egypte), chantée à la fin du seder, le repas rituel de la Pâque juive célébré en famille. Il semble apparaître dans le rituel vers le XIIIe ou le XIVe siècle en France – sa plus ancienne trace étant un manuscrit provençal de la Bibliothèque nationale d’Israël – avant de gagner l’ensemble des communautés ashkénazes, puis séfarades. Par sa forme de ritournelle, typique des mélodies enfantines, le chant rappelle la visée pédagogique du seder à l’endroit des plus jeunes qu’il convient de garder éveillés tout au long de la soirée.  Pour être compris des enfants, il est d’ailleurs souvent traduit. Il en existe notamment des versions en yiddish (Had Gadyo) et en judéo-espagnol (El cavritico).

Les planches d’El Lissitzky témoignent de l’équilibre recherché par l’artiste entre tradition populaire et modernité. Le chevreau, mangé par un chat, lui-même dévoré par un chien… y figure comme un symbole du peuple juif opprimé, les dix strophes égrenant un enchaînement de calamités auxquelles une intervention divine vient mettre un terme. Que Lissitzky ait choisi d’illustrer Had Gadya, dont le sens final pose l’existence d’une justice suprême – indépendamment du reste de la Haggadah –, l’a fait interpréter comme une parabole de la victoire de la Révolution bolchévique libérant les juifs de l’oppression dont ils ont de tout temps été victimes.

Sur le plan stylistique, le graphisme aigu et les aplats de couleurs manifestent une influence du cubisme, tandis que la découverte du potentiel plastique de la lettre hébraïque met en lumière le cheminement de l’artiste vers le constructivisme, annonçant le typographe révolutionnaire qu’il deviendra.

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