Jean-Paul Demoule
Rencontre enregistrée à l’occasion de la parution de Mais où sont passés les Indo-Européens ? Aux origines du mythe de l’Occident de Jean-Paul Demoule (« La Librairie du XXIe siècle », Seuil, 2014), en sa présence, avec la participation de Maurice Olender, historien, professeur à l’EHESS à Paris, éditeur.
Rencontre animée par Emmanuel Laurentin, producteur de La Fabrique de l’Histoire sur France Culture
Mais où sont passés les Indo-Européens ? On les a vus passer par ici, depuis les steppes de Russie, ou par là, depuis celles de Turquie. Certains les ont même vus venir du Grand Nord. Mais qui sont les Indo-Européens ? Nos ancêtres, en principe, à nous les Européens, un petit peuple conquérant qui, il y a des millénaires, aurait pris le contrôle de l’Europe et d’une partie de l’Asie jusqu’à l’Iran et l’Inde, partout où, aujourd’hui, on parle des langues indo-européennes (langues romanes comme le français, slaves comme le russe, germaniques comme l’allemand, et aussi indiennes, iraniennes, celtiques, baltes, sans compter l’arménien, l’albanais ou le grec). Et depuis que les Européens ont pris possession d’une grande partie du globe, c’est presque partout que l’on parle des langues indo-européennes – sauf là où règne l’arabe ou le chinois. Mais les Indo-Européens ont-ils vraiment existé ? Est-ce une vérité scientifique, ou au contraire un mythe d’origine, celui des Européens, qui les dispenserait de devoir emprunter le leur aux Juifs, la Bible ? Jean-Paul Demoule prétend dans ce livre iconoclaste s’attaquer à la racine du mythe, à sa construction obligée, à ses détournements aussi, comme la sinistre idéologie aryenne du nazisme, qui vit encore. Il montre que l’archéologie la plus moderne ne valide aucune des hypothèses proposées sur les routes de ces invasions présumées, pas plus que les données les plus récentes de la linguistique, de la biologie ou de la mythologie. Pour expliquer les ressemblances entre ces langues, d’autres modèles restent à construire, bien plus complexes, mais infiniment plus intéressants.
Jean-Paul Demoule est professeur de protohistoire européenne à l’université de Paris I (Panthéon-Sorbonne) et membre de l’Institut universitaire de France. Il a mené des fouilles dans le cadre du programme de sauvetage régional de la vallée de l’Aisne, ainsi qu’en Grèce et en Bulgarie. Il s’est particulièrement intéressé aux problèmes de l’archéologie de sauvetage et a participé à l’élaboration de la loi française sur l’archéologie préventive et à la création de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), qu’il a présidé de 2001 à 2008. Ses travaux portent sur la néolithisation de l’Europe ainsi que sur les sociétés de l’âge du Fer, sur l’histoire de l’archéologie et son rôle social, ou encore sur ses constructions idéologiques et, à ce titre, sur le « problème indo-européen ». Il a publié notamment, comme auteur, éditeur ou coéditeur : La France archéologique, vingt ans d’aménagements et de découvertes (2004), La Révolution néolithique en France (2007), L’Archéologie préventive dans le monde (2007), Naissance de la figure, l’art du paléolithique à l’âge du Fer (2007), L’Avenir du passé, modernité de l’archéologie (2008), Les Origines de la culture, la révolution néolithique (2008), L’Europe, un continent redécouvert par l’archéologie (2009), La Fabrique de l’archéologie (2009), La Révolution néolithique dans le monde (2010) et On a retrouvé l’histoire de France (2012).