Colette Fellous © C. Hélie/Gallimard
Louis-Philippe Dalembert © DR
À l’occasion de la parution des romans Avant que les ombres s’effacent de Louis-Philippe Dalembert (Sabine Wespieser, 2017) et Pièces détachées de Colette Fellous (Gallimard, 2017)
En présence des auteurs, rencontre modérée par Norbert Czarny, écrivain et critique
Louis-Philippe Dalembert, Avant que les ombres s'effacent
(Sabine Wespieser, 2017)
En guise de prologue à cette vaste fresque conduisant son protagoniste de Lödz, en Pologne, à Port-au-Prince, l’auteur rappelle le vote par l’État haïtien, en 1939, d’un décret-loi de naturalisation in absentia, qui a autorisé ses consulats à délivrer passeports et sauf-conduits à des centaines de Juifs, leur permettant ainsi d’échapper au nazisme.
Avant d’arriver à Port-au-Prince, à la faveur de ce décret, au début de l’automne 1939, le docteur Ruben Schwartzberg, né en 1913 dans une famille juive polonaise, a traversé bien des épreuves. Devenu un médecin réputé et le patriarche de trois générations d’Haïtiens, il a peu à peu tiré un trait sur son passé. Même sa femme et ses trois enfants n’en ont su que des bribes. Mais quand Haïti est frappé par le séisme de janvier 2010 et que la petite-fille de sa défunte tante Ruth – partie s’installer en Israël avant la deuxième guerre mondiale –, arrive parmi les médecins et les secouristes venus du monde entier, il accepte de revenir pour elle sur son histoire familiale.
Pendant toute une nuit, installé sous la véranda de sa maison de Montagne Noire, dans les hauteurs de la capitale, le vieil homme déroule pour la jeune femme le récit des péripéties qui l’ont amené à Port-au-Prince. Tandis que résonne au loin le roulement régulier des tambours du vaudou, il revient sur sa petite enfance en Pologne, sur ses années d’études à Berlin, alors que son père Néhémiah y avait déménagé son atelier de fourreur, sur la montée du nazisme en Allemagne et la nuit de pogrom de novembre 1938 pendant laquelle lui et son père furent sauvés par l’ambassadeur d’Haïti à Berlin. Son internement à Buchenwald ; sa libération grâce à un professeur de médecine bienveillant à son endroit ; son embarquement sur le Saint-Louis, un navire affrété pour transporter vers Cuba des milliers de demandeurs d’asile et finalement refoulé vers l’Europe ; son arrivée, par hasard, dans le Paris de la fin des années trente, où il est accueilli par la communauté haïtienne – notamment la flamboyante poétesse Ida Faubert – et, finalement, son départ vers sa nouvelle vie, muni d’un passeport haïtien, il en livre un récit sans pathos, où la gravité des faits le dispute à une ironie et un sens de la dérision qui lui tinrent certainement lieu de viatiques.
Louis-Philippe Dalembert est né à Port-au-Prince et vit à Paris. Il a publié plusieurs romans – notamment Le Crayon du bon Dieu n’a pas de gomme (Stock, 1996), Les dieux voyagent la nuit (Rocher, 2006), Ballade d’un amour inachevé (Mercure de France, 2013), ainsi que des essais, des nouvelles et de la poésie.
Colette Fellous, Pièces détachées
(Collection Blanche, Gallimard, 2017)
Dans la nuit qui a suivi l'attentat sur la plage de Sousse le 26 juin 2015, une femme écrit, face à la mer de Sidi Bou Saïd : « Il faut que je raconte avant demain, que je témoigne, très vite, ce livre sera mon nocturne, puis je rendrai les clefs, je partirai. Cette femme, je la reconnais, c'est moi. Moi dans ce livre qui veut raconter l'histoire de ce père né et mort au XXe siècle, et l'histoire de ce monde d'ici, de ce village de Tunisie que je vais devoir abandonner, dans cette année 2015, année terrifiante, sans répit, aux couleurs nouvelles du XXIe siècle. Maintenant qu'ils sont morts, je me dis que je ne pourrai les consoler qu'en écrivant. En sachant malgré tout que je ne rattraperai rien : à mon tour je dois partir, quitter ceux que j'aime, peut-être ne plus revenir, je ne sais pas encore. »
À l'annonce de la mort brutale d'Alain, un ami proche, en pleine mer, ressurgit celle du père, en écho. Tous deux ont été atteints au cœur. C'est toujours le cœur qui est attaqué, celui des êtres aimés, celui d'un pays devenu si fragile, celui des exilés. Colette Fellous poursuit ici son exploration des temps et des lieux, en superposant librement passé et présent, Tunisie et Normandie, visages et musiques, pour dire son attachement au monde et à tous ces êtres rencontrés, proches ou parfois plus lointains. Une déclaration d'amour, de celle qui s'en va.
Colette Fellous est née en Tunisie. Elle a publié une vingtaine de romans depuis 1982 notamment Aujourd'hui, (Gallimard, Prix Marguerite-Duras 2005), Plein été, (Gallimard, 2007), Pour Dalida, (Flammarion, 2010), Un amour de frère, (Gallimard, 2011), La préparation de la vie, (Gallimard, 2014). Elle a été productrice à Radio France à partir de 1980, animant sur France Culture "Les Nuits magnétiques" (1990 à 1999), puis présentant "Carnet nomade" jusqu’en 2015.
Emplacement
Auditorium
À travers la musique, la littérature ou le cinéma, le programme de l'Auditorium offre un prolongement des domaines abordés dans le musée et les expositions.
Lieu, réservation et tarifs
6 € - 4 €
Gratuit pour les Amis du mahJ
Réservation
par mél : auditorium@mahj.org
ou par téléphone au 01 53 01 86 48
du lundi au vendredi de 14 h 30 à 17 h 30