Michel-Ange (1475-1564), Moïse, tombeau de Jules II — 1513-1515,
Rome, basilique Saint-Pierre-aux-Liens
© Jemolo/Leemage
À travers 150 peintures, dessins, gravures, objets d’art, manuscrits, livres et extraits de films, cette exposition rend compte de l’importance et de la diversité des représentations de Moïse dans la culture occidentale, de l’Antiquité à nos jours.
Elle souligne les enjeux philosophiques, religieux, politiques et artistiques de l’iconographie mosaïque, notamment les usages de la figure du prophète comme archétype du libérateur aux XIXe et XXe siècles.
Dès l’Antiquité, malgré l’interdiction de représentation dont il fut le messager (deuxième commandement), Moïse est le prophète le plus fréquemment figuré dans l’iconographie biblique. Au IIIe siècle déjà, au cœur du monde juif, dans la synagogue de Doura Europos (dans la Syrie actuelle), on trouve d’importantes fresques relatant des scènes de la vie de Moïse.
Des manuscrits médiévaux richement enluminés aux peintures de Nicolas Poussin, sources juives et chrétiennes dialoguent tout au long des temps modernes. La traduction et l’édition des textes antiques par les chrétiens assurent à l’histoire de Moïse un rayonnement sans précédent dès le XVIe siècle. Avec les débuts de l’édition hébraïque à Venise et à Prague, les juifs utilisent à leur tour ces images chrétiennes pour élaborer leur propre iconographie. S’appuyant sur la diversité de ces sources, l’exposition dresse un portrait de Moïse qui explore sa singularité et retrace les épisodes marquants de l’Exode.
Dans l’Europe des temps modernes, la représentation de Moïse cristallise de nombreux enjeux politiques, religieux et philosophiques, dont les artistes sont les vecteurs. Moïse est avant tout présenté comme la préfiguration la plus aboutie du Christ, ses miracles annonçant les sacrements de l’Église. Alors que les princes catholiques légitiment leur autorité temporelle en s’identifiant à l’image du Moïse législateur, les protestants se projettent sur l’histoire du peuple élu, persécuté par Pharaon, et exaltent le prophète libérateur, pour développer une rhétorique de résistance.
Nicolas Poussin, Moïse sauvé des eaux
Vers 1647
Huile sur toile
Paris, musée du Louvre, département des peintures
© RMN-Grand Palais (Musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi
Philippe de Champaigne, Moïse présentant les tables de la Loi
1645-1663
Huile sur toile
Amiens, Musée de Picardie © Musée de Picardie / Marc Jeanneteau
Jean-François Millet, Autoportrait en Moïse
1841
Huile sur toile
Cherbourg-Octeville, musée d'art Thomas-Henry © Musée d'art Thomas-Henry / Daniel Sohier
Gustave Moreau, Étude de tête pour Moïse en vue de la Terre promise
Vers 1854
Paris, musée national Gustave Moreau © RMN – Grand Palais / René-Gabriel Ojéda
Moïses Ephraïm Lilien, Les livres de la Bible
Allemagne, 1908
Paris, Musée d’art et d’histoire du Judaïsme © Mahj / Christophe Fouin
Atelier de Jean Bourdichon, Moïse recevant les tables de la loi et Adoration du veau d'or
Touraine, vers 1500
Manuscrit en latin et français. Encre et tempera sur parchemin
Paris, bibliothèque Sainte-Geneviève © Bibliothèque Sainte-Geneviève, cliché IRHT
Anonyme allemand, La chute de la manne et Frappement du rocher
Fin XVIe siècle – début du XVIIe siècle
Dessin à l’encre sur papier
Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques © RMN – Grand Palais (Musée du Louvre) / Adrien Didierjean
Anonyme, Moïse présentant les tables de la Loi
XVIe siècle
Huile sur bois
Paris, Société de l'histoire du protestantisme français © Société de l'histoire du protestantisme français
Natan Moshe Brilliant, Tableau indiquant la direction de l’est, mizrah
Lituanie, 1877-1878
Encre, papier découpé, feuille métallique et aquarelle
Israël, collection particulière – DR
Lampe de la Reconsécration, lampe de Hanoukkah
Allemagne, XVIIIe siècle
Paris, Musée d’art et d’histoire du Judaïsme
© mahJ / Ph. Giovanni Ricci-Novara
Au tournant du XXe siècle, de la Palestine aux États-Unis, Moïse devient l’incarnation symbolique des désirs d’émancipation qui agitent les communautés juives et les Noirs américains. Les écrits de Theodor Herzl, « Moïse moderne », icône du libérateur visionnaire et source d’inspiration pour les nouveaux artistes juifs, sont lus avec intérêt par les intellectuels noirs américains. Leurs tentatives d’émancipation sont elles-mêmes encouragées par les journaux sionistes new-yorkais. Ébauchés avec le combat abolitionniste, les échanges entre juifs et Noirs culminent dans la lutte pour les droits civiques à partir des années 1950. Martin Luther King, qui multiplie les références à Moïse et au destin des juifs, entretient un dialogue fécond avec le rabbin Abraham Heschel.
Moïse est le prophète qui a vu Dieu et dialogué avec Lui, qui a fait l’expérience de l’ineffable, puis est redescendu en témoigner auprès des hommes. Les artistes en ont ainsi fait une figure tutélaire, celle du visionnaire, du prophète et de l’intercesseur qui guide, ouvre de nouvelles voies, cherche de nouvelles lois. L’exposition s’achève sur l’identification intime et stimulante des artistes au fondateur du judaïsme, à partir notamment du célèbre Moïse de Michel-Ange, sculpté pour le tombeau du pape Jules II à Rome et magnifiquement filmé par Michelangelo Antonioni en 2004.
Entretien avec Paul Salmona, directeur du Mahj, et Sonia Fellous, historienne et conseillère scientifique de l'exposition "Moïse. Figures d'un prophète", présenté par Yaël Hirsch d'akadem
Entretien avec Anne Hélène Hoog, commissaire de l’exposition, et Benoit de Sagazan, rédacteur en chef du Monde de la Bible
Commissariat de l’exposition
- Anne Hélène Hoog, conservatrice de la collection historique et des judaica du Mahj, commissaire générale
- Matthieu Somon, doctorant, université Paris I, Centre allemand d’histoire de l’art, commissaire
- Matthieu Léglise, doctorant, université Paris I, commissaire
- Sonia Fellous, CNRS-IRHT, université Paris I, conseillère scientifique
- Avec le concours de Nathalie Hazan-Brunet, conservatrice de la collection moderne et contemporaine du Mahj
Scénographie
Studio Tovar : Alain Batifoulier et Simon de Tovar
Graphisme
Cécile Philibert
Voir en vidéo
Exposition produite par le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme avec la participation du Centre allemand d’histoire de l’art.
Avec le soutien de la direction régionale des Affaires culturelles d’Île-de-France – ministère de la Culture et de la Communication, de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, et de la Fondation Pro Mahj.
En partenariat avec L’Arche, Télérama et France Culture.