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Georges Jeanclos (1933 - 1998) Journal de terre

Du 26 octobre 2001 au 24 février 2002

« Je suis un modeleur. L’argile m’est familière. Je sais l’humidité propice à la naissance, la fuite dans le temps de l’eau, choisir le bon moment pour faire naître de la terre les images fécondes. […] »

« Passion immodérée de cette matière souple, humide, qui répond à toutes mes impulsions, est devenue un journal de terre, témoin de mes jours de bonheur et de mes nuits. Elle a donné forme à chaque événement qui ponctue mon existence. »

Le « Journal de terre » de Jeanclos est un texte bouleversant où un artiste se raconte, où dans une confrontation avec la terre, dans un douloureux acharnement à décrypter « l’alphabet oublié », dans un ravaudage de la trame interrompue de la transmission, s’opère sa renaissance. Cette longue incantation sert de toile de fond à l’hommage que rend aujourd’hui à Georges Jeanclos le musée d’art et d’histoire du Judaïsme. Des Dormeurs, s’enterrant pour échapper aux fureurs d’alentour, à l’expérience du Kaddish, récité quotidiennement à la mort de son père et estampé dans le plâtre des Urnes, des héros de la résistance aux victimes des barbaries nazies et des massacres du XXe siècle (monument Colonnes de Guerry), jusqu’aux dernières sculptures, figures de la compassion et aussi de l’errance, cette présentation retrace en quelques oeuvres, le cheminement d’un artiste juif, « d’un judaïsme d’après la Shoah ».

« Elle [cette oeuvre] est née d’une rencontre attendue, souhaitée, avec la Torah déroulée, rayon de miel qui devient faïence, glaise porteuse de textes millénaires, psaumes, cantiques, loi gravée dans le plâtre, inversée, estampée de toutes mes forces sur le plâtre blanc, pour devenir consonnes grises, bombées sur les voiles de terre et lancées de toute la force de mon bras pour inscrire sur le corps de la nuit un champ de lettres venu du Sinaï.

Succession de consonnes révélées et rédigées par Moïse, devenues pour moi consonnes d’argile, consonnes non ponctuées qui ne signifient rien sans l’apport des voyelles, ponctuation lumineuse, absente des rouleaux, et que seule la tradition orale nous permet de vocaliser.

Je les ai fait fleurir sur les draps de terre avant de décrypter le sens qu’elles portent, sorties des rouleaux levés à bout de bras. Paroles sans fin serrées entre les langes, paroles roulées depuis Jérusalem et portées à travers le monde, je les ai retrouvées, vocalisées, transmission d’un savoir, mais aussi matière analogue à la terre avant que la main ne les modèle, et ne leur donne, oh blasphème, forme d’homme. »

Georges Jeanclos, Terres

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