Yiddish Cocktail / Yiddishe Tanz Musik
Par Eric Slabiak, chant et violon - Avec les musiciens des Yeux noirs : Frank Anastasio, guitare et contrebasse ; Dario Ivkovic, accordéon ; Aidje Tafial, batterie et percussions
« Le yiddish n’a jamais été une langue morte chez nous. Lors des réunions de famille, quand on s’arrêtait de parler, c’était pour jouer de la musique et pour chanter.Mon père au piano, mes oncles au violon, à la guitare et à la contrebasse, on passait ainsi allègrement des couplets de Georges Brassens, Georges Ulmer ou Léo Ferré aux chansons de Mordechai Gebirtig, Shalom Secunda et Avrom Goldfaden. C’était notre patrimoine : les chansons françaises d’aujourd’hui mêlées aux couplets yiddish du passé en Pologne. Il y a tant de passerelles musicales entre le shtetl de mes ancêtres et l’Amérique de Gershwin, tant de notes communes aux mélopées des crooners et au swing des fantaisistes juifs, tant de parenté entre les rengaines des chanteuses réalistes et les complaintes des tragédiennes éplorées... J’ai découvert que le yiddish était bel et bien une langue vivante qui traçait sa route, en empruntant parfois ses plus célèbres refrains au répertoire international : entre 1950 et les années 70, Jacob Sandler charmait avec Brasil ou Ramona, Stanley Laudan se déhanchait sur Yiddisher Samba, Emil Gorovets déployait toute sa tessiture sur Stranger in the Night,Mickey Katz cabotinait en“yinglish” dans Duvid Crockett et C’est Tzi Bon,Max Zalkind reprenait à sa façon Bambino, Leo Fuld nous bouleversait avec Shalom Israel (version en hébreu de Revoir Paris de Charles Trenet) ou Vi ahin zol ikh geyn, Dave Cash enchantait avec Les Feuilles mortes. D’autres artistes, juifs ou non juifs, tels Eartha Kitt, Tom Jones, Connie Francis, Renée Lebas, Régine, Georges Moustaki ou Marie Laforêt, ont également inscrit à leur répertoire des chansons ou des mélodies yiddish... Modestement, j’ai voulu être un maillon de cette yiddishkeit ; j’ai demandé à Boris Bergman, Yitskhok Niborski et Gilles Rozier de m’écrire les adaptations de chansons que j’aime. Je constitue ainsi mon répertoire francoyiddish. Douce France est devenue Frankraykh Mayne, La Tendresse, Liebkeit, Un jour tu verras,S’vet kumen a tog...»
(E. S.)