Manuscrits hébreux de la BnF. Textes et contextes (4/4)
Quatrième partie du colloque "Manuscrits hébreux de la BnF. Textes et contextes"
Colloque organisé par la section hébraïque de l'Institut de recherche et d'histoire des textes (IRHT).
Coordination : Sonia Fellous et Emma Abate, IRHT, CNRS
Margherita Mantovani, Labex Hastec :
Le fond hébreu de la BNF et l’averroïsme en Italie : enquêtes préliminaires
À la lumière des manuscrits hébreux de la Bibliothèque nationale de France, cette intervention vise à examiner la circulation d’Averroès entre le XVe et le début du XVIe siècle dans l’Italie du Nord, en particulier à Pavie, Padoue et Ferrare. Une attention particulière sera donnée à la reconstruction de la bibliothèque des professeurs de l’Université de Pavie, à partir de la collection du Magister Eliyyahu ben Shabbetay Be’er ou Elia di Sabato, lecteur de médecin entre 1439 et 1445.
Emma Abate, IRHT, CNRS :
Catalogue et édition des textes de magie et de cabbale : le cas du ms hébreu 765
Ma communication porte d’une part sur la description et l’analyse d’un recueil kabbalistique intégré dans le volume factice héb. 765 et de l’autre sur la première édition d’extraits inédits de ce volume. Ce manuscrit rédigé dans un milieu juif séfarade correspond à la cote n. 2 de la Bibliothèque du Roi, il s’agit donc de l’un des plus anciens exemplaires de la collection de la BnF. La belle main séfarade qui a copié, et probablement organisé la structure et la mise en texte appartient au scribe Shimon ben Ya‘aqov ha-Kohen qui a terminé la rédaction des vingt premières cartes en 1475. C’est également sa plume qui a écrit les dernières cartes du volume. Ces deux sections du manuscrit étaient probablement enchainées ; elles contiennent des textes de kabbale et magie qui constituaient vraisemblablement une unité dans la forme initiale du volume. Parmi les textes nous trouvons des ouvrages classiques de la mystique juive tels des extraits du Zohar (« Livre du Splendeur »), le Sefer Yeṣirah (« livre de la Formation ») et une partie du Sefer Sha‘are Orah (« Livre de portes de lumière ») de Yosef ben Avraham Gigaṭilla (1248-1305). Entremêlés dans ces ouvrages figurent également des textes de magie, tel un catalogue des démons gouvernant les heures de la nuit suivi des instructions pour conjurer les démons et des formules de qefiṣat ha-derekh (saute du chemin). L’encadrement des textes magiques au sein d’un recueil mystique n’est pas aléatoire, dans les anthologies kabbalistiques, nous retrouvons plusieurs exemples des dossiers magiques, parfois transmis en copie unique, contigus aux traités de mystique et notamment au Sefer Yeṣirah et à ses commentaires. Y a-t-il un lien entre les textes de mystique et de magie ? Ce type d’arrangement pourrait-il constituer une sorte d’escamotage afin de transmettre des textes ésotériques qui n’étaient pas approuvés par toutes les autorités rabbiniques ? Ou bien s’agit-il simplement des formules magiques ajoutées à la fin des traités mystiques par le scribe avant de passer au contenu suivant ? Si l’horror vacui était parmi les critères dominants dans la mise en texte des manuscrits du Moyen Âge, nous analyserons néanmoins les liens entre mise en forme et contenus à l’intérieur de notre recueil.
Laurent Héricher, BnF :
L’histoire des fonds des manuscrits hébreux de la BnF
Les origines historiques du fonds des manuscrits hébreux de la BnF datent du XIVe siècle. En 1372, se faisant porter du Trésor des Chartes (les Archives nationales de l'époque) plus de 200 manuscrits qui avaient été confisqués en 1306 par Philippe le Bel, le souverain en restitua une partie aux Juifs de Paris, en fit reporter une autre au Trésor des Chartes. À la mort de Catherine de Médicis, une vingtaine de livres supplémentaires sont couchés sur les tablettes de la bibliothèque de Henri IV, qui en fait relier quelques-uns à son chiffre et à ses armes. Le XVIIe siècle est celui des accroissements les plus marquants tandis que sous la Révolution, la nationalisation des biens du clergé fera plus que doubler le fonds, enrichi principalement, en provenance de la Sorbonne, d'Achille de Harlay de Sancy, ambassadeur de France à Constantinople. Le premier catalogue fut publié en 1866 par Hermann Zotenberg. Cette intervention tente de retracer le parcours des enrichissements du fonds hébreux de la BnF ainsi que l'histoire des catalogues au XIXe siècle.
Conclusion par Sonia Fellous et Emma Abate