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Portrait de Berr Isaac Berr dit Berr de Turique (Nancy, 1745-1828),

Inv.
2022.15.001
Peinture
Dimensions :
H. 93,5 - L. 72,3 cm
Huile sur toile
mahJ

Pour toute demande de reproduction veuillez contacter la photothèque.

Justification de la date
Date estimée par l'âge du modèle
Historique
Berr Isaac Berr, dit Berr de Turique (Nancy, 1745-1828), est le fils cadet d’Isaac Berr Orchel (Francfort, 1700 – Nancy, 1754), juif venu s’installer à Nancy en 1724, bien avant la fondation officielle de la communauté en 1754 –, et de Jutlé (Judith) Lipmann, sa seconde épouse, née à Berlin en 1710.

Alors que le nombre de juifs avait été limité en 1721 à 73 familles pour tout le duché de Lorraine, Isaac Berr Orchel avait été autorisé à résider à Nancy comme époux de Mindlé Goudchaux, la seconde fille du fournisseur de chevaux du duc Léopold, Lion Goudchaux, lui-même originaire de Metz, un des quatre premiers juifs autorisés dans la ville. Il avait créé un commerce de tissus de luxe et obtenu dans les années 1740 du duc Stanislas le titre de « marchand ordinaire » de la Cour.

Éduqué à la fois par un rabbin et un précepteur chrétien, Berr Isaac Berr est imprégné par les idéaux de la Haskalah, la version juive des Lumières. Il est proche du philosophe juif berlinois Moses Mendelssohn (1729-1786) et traduit en français un ouvrage de son disciple Naphtali Hertz Wessely (1725-1805) prônant l’apprentissage par les juifs de la langue du pays pour faciliter leur intégration. Syndic des juifs de Nancy, il devient dans les années 1780 le porte-parole de tous les juifs lorrains, puis à partir de la Révolution également de ceux d’Alsace, prenant le relais de son aîné, l’Alsacien Cerf Berr (1726-1793).

En 1788, Berr Isaac Berr collabore aux travaux de la commission Malesherbes sur la question du statut des non-catholiques et inspire la proposition de l’avocat Thierry au concours de l’Académie royale de Metz sur le sujet « Est-il un moyen de rendre les juifs plus heureux et plus utiles ? », texte primé en même temps que ceux de l’abbé Grégoire et de Zaldking Hourwitz. En 1789, il est élu aux États généraux, puis défend directement ses coreligionnaires devant l’Assemblée constituante, jouant un rôle majeur jusqu’au vote de l’émancipation de l’ensemble des juifs de France le 27 septembre 1791, sanctionné par décret royal le 13 novembre de la même année. Durant cette période, il publie de nombreux mémoires.

Plus tard, il siège à l’Assemblée des Notables réunie par Napoléon en 1806, puis au sein du Grand sanhédrin convoqué l’année suivante par l’empereur pour entériner la supériorité de la loi civile sur la loi religieuse, fondement de l’organisation en 1808 du culte dit « israélite ».

Devenu un riche notable, propriétaire de terres agricoles et exploitant de la manufacture de tabac de Nancy dès 1792, il est membre du conseil municipal de la ville en 1800. En 1819, il obtient le droit de se nommer Berr de Turique, du nom d’un domaine qu’il avait acquis en 1790, dans un faubourg de Nancy. Comblé d’honneur, il symbolise le passage du judaïsme d’Ancien Régime à l’Israélitisme français du XIXe siècle. Par ses dix enfants, il est aussi à l’origine d’une lignée de notables occupant dès le début du XIXe siècle des postes importants dans la société française.

De bonne facture mais malheureusement anonyme et non daté, ce portrait à mi-corps a été réalisé par un peintre parisien ou lorrain. L’âge et les vêtements du modèle, de même que le style Louis XVI du mobilier, plaident pour une réalisation vers 1790-1800, époque à laquelle Berr Isaac Berr est devenu un personnage majeur. Habillé comme n’importe quel notable de son temps, il ne porte pas la barbe imposée par la loi juive, signe de sa parfaite intégration.

Il semble que ce portrait ait fait l'objet de plusieurs copies restreintes au buste du modèle.
Provenance
Avec les n° 2022.15.002, 003, 004, 005, 006, ce tableau fait partie d'un ensemble de portraits conservés par la famille Levylier.

Cet ensemble illustre l'endogamie caractérisant un petit nombre de grandes familles juives de l’Est de la France, ici les Goudchaux-Berr de Nancy, les Lippmann de Verdun et les Levylier de Donnelay et leur rapide ascension sociale à partir de la fin du XVIIIe siècle et tout au long du suivant. Celle-ci s’effectue d’abord à Nancy ou Verdun, puis dans un second temps à Paris, cette attraction de la capitale étant générale chez les élites juives. Alors que la fortune des premières générations s’était construite jusqu’à la Révolution sur le prêt d’argent et la fourniture aux armées, ces familles s’illustrent après l’Émancipation dans de nombreux domaines (banque, industrie, carrières juridiques, haute fonction publique, politique…) tout en occupant des places décisives dans les instances représentatives de la communauté juive, notamment les consistoires
Description
Portrait peint de Berr Isaac Berr en habit noir posant de face dans un intérieur bourgeois, assis sur un fauteuil de style Louis XVI, le bras droit reposant sur l'accoudoir.
Bibliographie
Decomps, Claire et Moinet, Eric, dir., Les Juifs et la Lorraine un millénaire d’histoire partagée, (expo musée lorrain), Paris, Somogy, 2009, Cat. 80, p. 201, ill. p. 75 (version réduite du portrait)