Ornement de bâton de Torah

Traditionnellement, les rouleaux de la Torah (les cinq premiers livres de la Bible hébraïque ou Pentateuque) sont rangés dans l’arche sainte, enveloppés dans un manteau (parokhet) surmontés d’une couronne (keter torah), avec, fichés dans la partie supérieure des bâtons d’ornements nommés rimmonim (de l’hébreu rimmon, « grenade »). Le motif de la grenade, symbole de fertilité, a été remplacé par de nombreuses variantes, dont le motif de la tour, allégorie du nom de Dieu, comparé à une tour puissante et protectrice : « le nom d’Adonaï est une tour puissante ; le juste y accourt et y est hors d’atteinte » (Proverbes, 10-18), que l’on retrouve sur de nombreux rimmonim. Les clochettes que comportent la plupart des rimmonim contribuent de manière essentielle à la liturgie synagogale lors du déplacement de la Torah depuis l’arche sainte jusqu’au pupitre de l’officiant où est lue la péricope hebdomadaire.
Ces rimmonim en forme de tour se rattachent au type de rimmonim fabriqués en Hollande, qui s’inspirent des clochers d’églises. L’édifice complexe est composé de trois étages en forme hexagonale supportés par des colonnes ; le décor minutieux inclut les balustrades, les pots et le dessin des toitures. Les clochettes doivent signaler le passage de l’officiant avec la Torah entre les rangs des fidèles.
Ces ornements ont été dédiés à la synagogue par Samuel de Pinto qui était issu d’une des plus illustres familles juives hispano-portugaises des Pays-Bas. Implantés à Rotterdam dès 1646, les frères Pinto y établirent une banque de commerce et créèrent une yeshivah (école talmudique) qu’ils transférèrent à Amsterdam où ils s’installèrent en 1669. Ils devinrent rapidement la famille la plus puissante de la communauté portugaise et fondèrent la fameuse synagogue portugaise, dite la Esnoga. La famille avait d’amples ramifications. Samuel de Pinto fut moins célèbre que son contemporain Isaac de Pinto, philosophe qui répondit à Voltaire à propos des opinions qu’il avait publiées sur les juifs.
Ces ornements de bâton de Torah mettent en lumière l’installation à Amsterdam à partir du XVIe siècle des juifs d’Espagne et du Portugal, chassés lors de l’expulsion d’Espagne en 1492 et du Portugal en 1496, et des convertis pourchassés par l’Inquisition pour leur crypto-judaïsme (marranes). Ils témoignent, tant par leurs matériaux que par leur décor sophistiqué, de la munificence du mobilier synagogal des familles de juifs hispano-portugais amstellodamois enrichis dans le commerce international.