Lettre à sa femme Marie Eskénazi
ESKENAZI, Raphaël
Drancy, Seine-Saint-Denis, France,
1942.07.14
Inv.
2008.14.023Document d'archives
Lettre
photo © mahJ
Dimensions :
H. 13,5 - L. 10,5 cmEcriture manuscrite à l'encre bleue et noire sur papier, crayon de couleur.
mahJ,
don de Kaurine Lakajzen née Eskénazi
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Appartenance à un ensemble
Ensemble de 26 lettres et 3 contratsDestinataire
ESKENAZI, Madame MarieJustification de la date
Date inscrite sur la feuilleHistorique
Voir aussi l'ensemble des lettres en judéo-espagnol MAHJ 2003.27.La phrase "Chère Marie j’ai grand souci pour Mme Buyuk Kizime. Qu’est-ce qu’elle fait au sujet de nichan, quand elle va voir Tchalichmak" est expliquée par Kaurine Lakajzen dans son livre (p.76) : "buyuk kizime" signifie grande fille et "Tchalichmak" / "çalismak" signifie travailler = Raphaël se fait du souci pour sa fille aînée Esther et il se demande ce qu'elle fait comme travail.
"ikindji Jemek" = colis
Pris dans une rafle le 20 août 1941 à Paris, Raphaël Eskénazi est interné à Drancy. Tombé malade, il est transféré et soigné à l'hôpital Tenon puis à l'hôpital Rothschild. Il sera déporté vers Auschwitz en septembre 1942.
Raphaël et Marie Eskénazi (née Senie) se marièrent à Paris en 1920 et eurent trois enfants: Esther, Kaurine et Victor (dit aussi Victor-Menaché). Marie était réparatrice de tapis et venait d'une famille d'Istanbul. Raphaël venait d'Ankara et était tailleur. Le frère de Raphaël, Joseph était professeur de français en Turquie. Sa femme se nommait Esther. Une fois immigré en France, Joseph est cordonnier.
Description
Une carte portant recto-verso un texte manuscrit.Langue
FrançaisInscriptions
Recto: "Drancy le 14/7/1942. Ma très chère Marie et très chers enfants. Je suis en possession de ta charmante carte du 7 courant dont j’ai été très content de lire vos bonnes nouvelles. Quant à moi je me trouve en bonne santé. Au sujet des certificats medicaux j’ai fait la demande au service social du camp pour qu’on me fasse parvenir le certificat de Tenon. Quant à celui de l’hôpital Rotschild je l’attend comme tu viens de me l’écrire, et je te remercie beaucoup pour tout ce que tu as courru. Chère Marie dans les deux dernières cartes que j’ai reçu je suis très étonné qu’elles ne soient pas écrites de la chère Esther pourquoi sont-elles écrites par Jomtov ? Je ne comprends rien quand on a des enfants et surtout une grande fille de vingt ans pourquoi n’aurai-je pas cette satisfaction de lire son écriture ? Chère Marie j’ai grand souci pour Mme Buyuk Kizime. Qu’est-ce qu’elle fait au sujet de nichan, quand elle va voir Tchalichmak ? J’ai reçu le livre de prière et les aspirines. J’ai reçu également comme Joseph de ikindji Jemek Merci beaucoup. Quant à la nouvelle adresse que nous avons demenagé tu la trouveras au recto de l’enveloppe et tu te conformeras comme l’a déjà écrit Joseph mon frère à la chère Esther sa femme, et les deux frères nous sommes toujours ensemble dans une même chambre et nous couchons dans le même lit. Soyez tranquils, nous mangeons ensemble les colis. Ma chère Marie je voudrais que dans le prochain colis alimentaire que tu m’envoie une boite en fer blanc tu sais une boîte de celle qu’on met des biscuits qu’elle est carrée tu me feras le colis dans cette boîte même car elle est assez grande je l’ai besoin ici car j’ai"
Verso :
"beaucoup de chose qui traînent et je ne sais pas où les mettre. En même temps tu m’enverras toujours dans le colis alimentaire un petit tube de colle de secottine c’est pour réparer mon livre, envoie-moi le chausse-pied. Quand tu m’enverras les semelles en caoutchouc n’oublie pas de m’envoyer des clous à tête et une bonne petite quantité pour que j’aie assez pour les clouer. Je comprends bien que je te donne beaucoup de travail et je t’ennuie de trop excuse moi ; cela ne sera jamais oublié tout ce que tu fais avec moi. Dieu te recompenseras dans ma libération et je suis très sûr que c’est elle qui te sera ta vraie récompense. Ma chère Marie je te recommande et d’une façon très catégorique que si on vient te proposer d’envoyer le petit Victor à la campagne je ne veux pas qu’il aille et je ne veux pas que tu l’éloigne de la maison. attention à cette recommandation. Et je crois que toi-même tu es de mon avis et tu ne l’enverras jamais. Maintenant chère Marie aussitôt que tu reçois cette carte tu iras chez Madame Alegra Benbechat 6 Boulevard Jules Ferry XIe et tu reclameras 800 francs tu prendras les 400 francs pour toi et les autres 400 francs tu les remettras à la chère Esther c’est de la part de Joseph et tu m’écriras à la prochaine carte de la reception de cette somme le mari de cette dame est le fils au Rabin Benbéchat il est avec nous. Mes félicitations à ma petite Corine pour son certificat d’étude je lui donne deux gros baisers et maintenant qu’est-ce qu’elle va faire ? Plus rien à vous écrire. Je t’embrasse bien fort chère Marie ainsi à mes chers Esther, Corine, Victor, Belles sœurs, mamans, cousins cousines, beaux frères et tout le monde. R. Eskénazi"
Bibliographie
Kaurine Lakajzen, "Avoir 13 ans sous l'occupation allemande (1941-1945). Lettres de mon père". Traduction du judéo-espagnol par Haïm Vidal Sephiha