Le Joueur de cartes
Alsace, France,
19e siècle, 1er quart
Inv.
2013.32.001Peinture
Peinture sous verre, dit "fixé sous verre"
photo © mahJ / Christophe Fouin
Dimensions :
H. 47,5 - L. 37 cmHuile ou gouache, plaque de verre
mahJ,
Acquis avec la participation du FRAM d'Ile-de-France
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Historique
Le procédé de la peinture sous verre ou le « fixé sous verre » consiste en une application de gouache (mélangée à une colle spéciale) ou de peinture à l’huile au revers d’une plaque de verre. Dans cette opération difficile à réaliser, le motif est peint à l’envers et les détails sont exécutés avant le fond. Originaire de Venise (Murano), la peinture sous verre se diffuse non seulement en Europe (à partir de la fin du XVIe siècle) mais aussi en Asie. En Europe, c’est surtout le « fixé sous verre », spécialité des maîtres verriers de Bohême, qui deviendra populaire grâce à l’industrialisation de la fabrication du verre. Cet art folklorique s’implante en Alsace dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et s’empare tant de sujets religieux que de sujets profanes. Parmi ces derniers, figurent des portraits de personnages illustres, de figures populaires et des allégories. Cet art de la peinture sous verre s’est raréfié à partir du début du XXe siècle.
D’après Freddy Raphaël, historien spécialiste du judaïsme alsacien, le motif de cette peinture fut extrêmement apprécié dans la région. Elle est mentionnée dans plusieurs ouvrages (voir bibliographie ci-dessous).
L’image est celle d’un joueur de cartes coiffé d’un tricorne. Ce chapeau est un élément typique de la tenue des juifs en Alsace au début du XIXe siècle. Dans l’exposition "Juifs et citoyens" l’œuvre exposée était une lithographie imprimée par J. J. Jundt à Strasbourg au début du XIXe siècle. La peinture sous verre présentée ici en reprend le motif et le texte. Mais si l’inscription dans la lithographie est en judéo-alsacien correct, les défauts graphiques du texte de la peinture montrent en revanche que le peintre n’était pas familier des caractères hébraïques ni de la langue.
Rappelons qu’à l’époque où cette peinture est exécutée (premier quart du XIXe siècle), le judaïsme alsacien forme 80% de la population juive française. L’image est celle d’un rabbin dénommé Moshe, vêtu de couleurs vives et jouant aux cartes. Si le texte sous l’image reste illisible aux non-juifs, le tricorne et le nez légèrement recourbé laissent reconnaître un juif. On voit donc un personnage, un rabbin, éloigné des impératifs religieux, puisque jouer aux cartes est réprouvé par le judaïsme et que s’habiller de couleurs vives dans l’espace public n’est pas encouragé surtout pour un rabbin. La figure du rabbin Moshe, personnage imaginaire dont la légende nous dit qu’il vit à Wolfisheim près de Strasbourg, fait donc plus que rompre avec le cliché du juif du ghetto. Pourtant, l’image était destinée à faire sourire ou rire les juifs-eux-mêmes, une mission accomplie si l’on considère la popularité de cette peinture auprès des juifs alsaciens.
Provenance
Anciennement collection Ernest MetzgerDescription
Dans un encadré de couleur noire, un homme barbu de trois-quarts de profil, le regard orienté vers la gauche, est représenté assis à une table à jouer (table couverte d'un tapis vert). Il est coiffé d'un tricorne noir et porte une redingote de couleur orangée et un pantalon noir. Dans sa main droite, il tient sept cartes (dont l'as de carreau en évidence) et quatre autres dans la main gauche. Quatre cartes reposent retournées sur la table.Entourant l'encadré, une large marge blanche comportant en partie inférieure un texte manuscrit en langue judéo-alsacienne.
Langue
Judéo-alsacienInscriptions
כשמשי קבץ זוייללנ זוין 7 אונד 16 זינד 23.3 אססאונד 3 בוירען זינד 29 , אונד אויזגשפילת זינד 60
ר משה וולפעשסהיים ביא שטראסב״
Traduction
7 et 16 sont 2 as et 3 paysans sont 29, et 60 sont joués. R[abbi] Moshe [de] Wolfissheim près de Strossb[ourg]Bibliographie
Robert Weyl et Freddy Raphaël, L’Imagerie juive d’Alsace, Strasbourg, 1980, p.17.Robert Weyl, Freddy Raphaël et Martine Weyl, L’Imagerie populaire juive en Alsace, catalogue du musée de l’Imagerie peinte et populaire alsacienne de Pfaffenhoffen, mars 1977 n°15.
Juifs et citoyens, catalogue de l’exposition organisée par l’Alliance israélite universelle, le Consistoire central et le musée d’art et d’histoire du Judaïsme, Paris, 1989, n°89 p.51.