Freddy Dahdi

« Je suis né au Caire, en 47. Avec les événements de Suez, tous les Juifs sont partis avec un tout petit bagage.
Nous sommes arrivés en septembre 56. On était francophones sous protectorat français, donc on s'est facilement intégrés.
Entre 56 et 58, comme nous étions trois enfants, nous avons été placés dans un pensionnat laïque à Vincennes, puis mon père nous a mis à l'OPEJ [oeuvre de protection des enfants juifs], au centre de Rueil-Malmaison. J'y ai trouvé une ambiance de famille.
En Égypte, on était déjà européens et en même temps juifs. Arrivés en France, ça a été une déchirure. Quand je suis arrivé, pendant l'hiver 56, il faisait un froid polaire, j'étais complètement perdu.
Je me souviens qu'un jour la maîtresse m'a dit de passer au tableau pour écrire l'alphabet arabe. C'est là que j'ai compris que j'étais différent.
Alors, du jour au lendemain, j'ai dit à mon frère d'arrêter de parler arabe, j'ai compris qu'il fallait s'intégrer.
J'ai une grande nostalgie du Caire, comme toutes les familles qui ont dû quitter un coin de paradis. Ma famille était assez riche, elle avait un chalet au pied des pyramides… On n'avait pas tout le confort, mais on avait tout le plaisir !
À mon retour la première fois au Caire, j'ai cherché le quartier, ma maison, l'école. La maison, on l'a retrouvée dans un piteux état ; le coin de jardin est devenu un tas d'ordures… J'ai pu retrouver mon professeur, mais, pour lui, j'étais devenu un élève comme les autres. Donc là, tout a fondu en quelques minutes.
Maintenant, pour moi, l'Égypte, c'est juste un très beau pays. J'en parle comme un professionnel du tourisme.
Tant qu'on est juif et qu'on essaie de conserver son identité et de la transmettre, il n'y a rien de plus beau ! »