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Arche sainte

Modène, Italie,
1472
Inv.
D.98.04.123.CL
ancien inv.
CL 12237
Mobilier
Arche sainte
Aron qodesh, ארון קודש
Dimensions :
H. 265 - L. 130 - Pr. 78 cm
Bois sculpté et marqueté
Dépôt du musée national du Moyen Âge

Pour toute demande de reproduction veuillez contacter la photothèque.

Contexte d'utilisation
Synagogue/ Torah
Justification de la date
Date inscrite
Historique
Cette arche sainte en bois sculpté, peint et marqueté – offerte à la synagogue de Modène en Italie en 1472 par un certain Elhanan Rafael, fils de Daniel – constitue la pièce maîtresse de la collection réunie par le compositeur et chef d’orchestre Isaac Strauss (1806-1888), donnée en 1890 par la baronne Charlotte de Rothschild au musée de Cluny.
Si on retrouve la trace d’arches de même style sur les enluminures de manuscrits contemporains en hébreu - notamment dans un livre de prières copié en 1466 à Reggio Emilia (British Library, MS Harley 5686, fol. 28v. ), un "Tour" de Jacob de ben Asher exécuté à Mantoue en 1436 (Bibliothèque Vaticane, codex Ross 555) ou un "Yad ha Hazakah" de Maïmonide (anc. collection Hermann Cramer à Francfort-sur-le Main, repr. In Mitteilungen 3,4 1904 p. 9) -, il s’agit de la plus ancienne arche sainte en bois qui nous soit parvenue.
Composée de deux corps d’armoire et surmontée d’une corniche crénelée, elle évoque par sa forme une tour fortifiée, allégorie de la protection divine : « Le nom du Seigneur est une tour fortifiée : le juste s’y réfugie et est hors d’atteinte » (Proverbes, 18, 10).
La fonction de l’objet est rappelée par plusieurs inscriptions courant sur trois côtés en haut des deux corps, évoquant en hébreu la force de la Torah « La loi de l’Eternel est parfaite : elle réconforte l’âme. Le témoignage de l’Eternel est véridique ; il donne la sagesse au simple » (Psaume, 19, 8-9) et son lien symbolique avec le sanctuaire du Temple de Jérusalem « Car c’est de Sion que sort la Torah et de Jérusalem la parole du Seigneur » (Isaïe, 2, 3) et « C’est un trône glorieux, sublime de toute éternité, que le lieu de notre sanctuaire ! » (Jérémie, 17, 12), la dédicace du meuble parlant d’une « arche d’alliance » (aron ha-Brit), tandis que les colonnettes torsadées évoquent Yakhin et Boaz, les colonnes du Temple.
Le décor du meuble est constitué de 56 panneaux sculptés de motifs en rosace et de filets marquetés selon la technique dite de la certosina, une tablette amovible portant un vase de fleurs – allusion à l’arbre de vie, symbole de la Torah – réalisé selon le même procédé. Stylistiquement, il s’agit donc, en dépit de sa date avancée dans le Quattrocento, d’un meuble de transition entre les derniers feux du gothique flamboyant et l’art nouveau de la Renaissance.
D’une qualité exceptionnelle, il est attribué à Christoforo Canozzi da Lendinara (v. 1420 – avant 1490), artiste réputé pour ses studioli (cabinets), au service de la famille d’Este, témoignant de la remarquable intégration des juifs italiens à cette date. Une crédence, de même facture mais sans fonction liturgique, est conservée au Cloisters Museum à New York.
Provenance
, en 1890
Description
Meuble à deux corps sculpté en bas relief et peint avec marqueterie en bois de couleurs, dite "Certosina".
Corps supérieur orné sur les trois faces de 32 panneaux carrés à décor flamboyant répartis sur 4 registres et encadrés de motifs courants en certisona ; la face antérieure s'ouvre à deux volets accostés de deux panneaux dormants ; aux quatre angles, colonnettes torses qui supportent un entablement à frise flamboyante ; inscriptions sur les trois faces en bandeau sous la frise, terminée par une rangée de créneaux
Corps inférieur : de disposition analogue mais de hauteur moindre (24 panneaux répartis sur 3 registres) ; les 4 colonnettes reposent sur un soubassement flamboyant et rejoignent le ceinture portant l'inscription
Dans la ceinture, un tiroir recouvert d'une tablette en marqueterie, articulée à charnière et une seconde tablette à glissière ; à l'intérieur, garniture de tissus : velours de Gênes, jaune d'or et dais en frange de soie en haut, toile à rayures polychromes, en bas
Langue
hébreu
Inscriptions
Corps supérieur.
Au fronton dans un écusson ovale : קדש לאל : « Consacré à l’Eternel » (Exode, 39, 30) /
A droite : כי מציון תצא תורה ודבר ה״ מירוע : « Car c'est de Sion que sort la Torah et de Jérusalem la parole de l'Eternel » (Isaïe, 11, 3) /
En façade שלם תורת ה תמימה משיבת נפש עדות ה נ׳מ׳פ׳פ׳ה׳ם׳ לב ׃ : « Paix – La Loi de l’Eternel est juste, elle sauve les âmes » (Psaumes, 19, 8-9) /
A gauche : כסא כבוד מרום מראשון מ״מ״ : « C'est un trône glorieux ; sublime de toute éternité que le Dieu de notre sanctuaire » (Jérémie, 17, 12) /
Frise du corps inférieur :
A droite : [שׁא]ארון ברית נעשה לכבוד רם ונ : « Arche d'alliance faite en l'honneur du Très Haut et du Sublime » /
En façade : לאלפי חמשה שנת ב'ר'כ'י' נפשי את ה" הללויה « Fait le cinquième millénaire, en l'année "Que mon âme loue le Seigneur, Alléluia !"» (Psaumes, 54, 35). Les quatre lettre du mot ברכי étant soulignées, cela donne le chronogramme 5000 + 232 soit 5232 (1472 dans le calendrier chrétien) /
A gauche : אלחנן רפאל בכמ״ד דניאל תנצב״ﬣ : « Elkanan, fils de l'honorable rabbi Daniel, Q[ue son] A[me soit] R[éunie au] F[aisceau des] V[ivants] »
Publication
- Georges Stenne, Description des objets d’art religieux hébraïques, Paris, 1878, 152 pages, n° 1 (disponible sur gallica.fr).
- Haraucourt, Catalogue des bois sculptés et meubles du Musée des Thermes et de l'Hôtel de Cluny, Paris 1925, n° 455.
- Victor Klagsbald, Catalogue de la collection juive du musée de Cluny, RMN,1981, n° 123
- "Guide des collections", musée d’art et d’histoire du Judaïsme, 1999, 160 p. (p.37)
- "Musée d’art t d’histoire du Judaïsme", Connaissance des Arts, hors-série, 2016, 66 p. (p.23)
- "Art et histoire du Judaïsme, un abécédaire", Paris, coédition mahJ/Flammarion, 2018, 254 p. (p.14-15)
- Giulio Busi et Silvana Greco, Il Rinascimento parla ebraico, Meis, 2019, p. 159-161 et p. 242 (cat. 7)