Back to top

Rouleau de Haftarah

Allemagne ?,
18e siècle, 3e quart
Inv.
D.2021.01.001
Manuscrit
Rouleau de Haftarah
Dimensions :
H. 48 - L. 1450 cm (parchemin)
Encre manuscrite noire sur parchemin (velin) ; montants en bois
Dépôt de la Communauté juive de Nancy

Pour toute demande de reproduction veuillez contacter la photothèque.

Contexte d'utilisation
Culte synagogal
Historique
Ce rouleau de Haftarah est un objet rarissime. Les haftarot (textes bibliques lus après le passage de la Torah du jour) sont normalement lues dans un livre et non dans un rouleau. Cette dernière formule est très rare mais attestée dans divers contextes (par exemple dans la genizah du Caire) ou aujourd'hui dans certaines synagogues de rite oriental. Cette forme peut sembler archaïque mais s'explique symboliquement par le choix de lui donner l'apparence d'un rouleau de Torah. Les rouleaux avec les passages des haftarot semble avoir été relativement fréquents dans les communautés d'Alsace et de Lorraine jusqu'au milieu du 19e siècle : deux fragments retrouvés dans les genizot de Dambach-la-Ville et de Bergheim, des exemplaires dans les synagogues de Forbach, Metz ou Benfeld, un exemplaire au musée alsacien, un autre au musée de Marmoutier et surtout un petit placard au format étroit adapté au rangement d'un rouleau avec l'inscription "haftarah" dans l'ancienne synagogue de Donnelay (Moselle)

Les rouleaux enluminés sont en revanche rarissimes (moins d'une dizaine d'exemplaires aujourd'hui connus dans le monde), l'interdit de la représentation étant appliqué très strictement sur les textes bibliques. Ernest Naményl reproduit en 1953 une photographie d'un exemplaire illustré de vignettes inspirées des Iconae Biblicae de Mérian L'Ancien à Rehonc (Hongrie), alors disparu. David Stern en cite six en 2019, dont cinq ornés de lettrines du même type, tous copiés par des scribes ashkénazes au 18e siècle.

Typologiquement exceptionnel, cet objet se distingue aussi par la qualité de son exécution (typographie très régulière, enluminures d'une grande finesse) et la richesse de son iconographie, largement inspirée des manuscrits ashkénazes médiévaux de l'Est de la France et des régions rhénanes (lettrines à l'encre noire peuplées de créatures hybrides) mais présentant aussi des motifs plus récents (cuirs découpés, rubans déroulés, motifs en pointe de diamant, tulipes..). On retrouve d'ailleurs des cuirs et rubans absolument identiques sur de nombreux manuscrits hébraïques contemporains, et même dans certains livres imprimés.

Retrouvé dans la synagogue de Nancy, ce rouleau de haftarah est d'origine inconnue. S'il ne comporte ni date ni signature, son style plaide pour une datation de la seconde moitié du 18e siècle dans le monde ashkénaze. L'imprimerie est loin d'avoir tué le livre hébraïque manuscrit et enluminé. Ce dernier connaît un essor remarquable au 18e siècle dans le monde ashkénaze, les ouvrages de dévotion privée (livres de prières, megillot) étant relayés dans la seconde moitié du siècle par des commandes d'ouvrages prestigieux pour l'usage des synagogues ou des confréries. Le mahJ conserve d'ailleurs deux petits livres provenant aussi de Nancy (inv. 96.52.001 et 002) copiés en 1767 et 1768 par le scribe Levy Offenbach pour le ministre officiant de la synagogue, Isaïe Mayer de Ribeauvillé, objet passé dans la famille Berr Isaac Berr.
Provenance
Ce rouleau a été classé Monument historique par arrêté du 10 juillet 2012
Description
Le rouleau en vélin, de belle qualité, est composé de 20 morceaux (kflafim) mesurant entre 38 et 84 cm, cousus deux à deux et fixés à 2 montants en chêne tourné (sans doute postérieurs), comme un rouleau de Torah. Le texte manuscrit, en hébreu vocalisé, avec signes de cantillation, est disposé en colonnes (le plus souvent 4 par peau, parfois moins) de largeur variable (entre 15 et 24 cm), l'espace intermédiaire entre 2 colonnes étant toujours de 3,5 cm.

On peut distinguer la main d'au moins 2 scribes différents. La plus grande partie du rouleau est traitée avec une belle calligraphie carrée très régulière et un interlignage assez important, avec de rares repentirs (lignes gommées et corrigées par le scribe). En revanche, une peau présente un aspect plus grossier (écriture moins régulière, interlignage très serré, nombreuses corrections). Le rouleau reproduit l'ensemble des 78 haftarot (shabbats et fêtes). Chacune est précédée d'un titre en gras indiquant le nom de la fête ou de la parashah (péricope) du jour ainsi que ses références dans le texte biblique. L'un d'eux (parashah Haazinou) est accompagné d'une glose en écriture Rashi.

Comme souvent dans les manuscrits hébraïques, le premier mot de chaque haftarah est traité avec des lettrines enluminées à l'encre noire, de taille diverse (entre 3 et 5 lignes de hauteur). Les motifs sont d'inspiration animale (hybrides), végétale (dont une tulipe) ou ornementale (quadrillage, pois, vannerie, cuir découpé, ruban déroulé, pointe de diamant, ruches, festons, écailles...). Certaines lettres présentent un nœud médian (fleur ou main humaine, la partie basse étant alors un bras). Certains motifs emplissent la totalité des lettres, d'autres sont limités à leurs parties supérieures. Quelques haftarot présentent un décor plus sommaire (autre main), 14 ne sont pas ornées du tout (manque de temps ? main différente ?), cette absence pouvant parfois aussi s'expliquer par un interdit de représentation (le tétragramme divin, le verbe être) ou un manque de place (en bas de page). Seules les haftarot de certaines fêtes, en fin de rouleau, montrent un décor en rapport avec le thème du jour : corne de bélier (shoffar) pour les 2 jours de l'an (rosh ha-shanah), Jonas dans la gueule de la baleine pour Yom Kippour, main tenant une plame (loulav) et palmes et cédrats (étrog) pour les 2 premiers jours de Soukkot, main tenant un pain azyme (matsah) pour le 1er jour de Pâque (Pessah). Les autres semblent totalement fantaisistes
Langue
Hébreu
Bibliographie
Ernest Naményl, "La miniature juive au XVIIe et XVIIIe siècle" in Revue des études juives, t. 16, n° 116, 1957, p. 27-71 (rouleau de Rehonc) ; Claire Decomps, dir., Héritage inespéré, Objets cachés au cœur des synagogues, Musées de la ville de Strasbourg, 2016, p. 80-81 ; David Stern, "Scrolling throught the Haftarah" in Coll., Windows on Jewish Worlds, Essays in Honor of Willima Gross, collector of Judaica on the Occasion of his Eightieth Birthday, Zutphen (NL), Walburg Pers, 2019, p. 165-173