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Lettre à sa femme Marie Eskénazi

ESKENAZI, Raphaël
Drancy, Seine-Saint-Denis, France,
1942.08.02
Inv.
2008.14.024
Document d'archives
Lettre
Dimensions :
H. 13,4 - L. 10,4 cm
Ecriture manuscrite à l'encre noire sur papier ligné à la mine de plomb, crayon de couleur.
mahJ,
don de Kaurine Lakajzen née Eskénazi

Pour toute demande de reproduction veuillez contacter la photothèque.

Appartenance à un ensemble
Ensemble de 26 lettres et 3 contrats
Destinataire
ESKENAZI, Madame Marie
Justification de la date
Date inscrite sur la feuille
Historique
Voir aussi l'ensemble des lettres en judéo-espagnol MAHJ 2003.27.
La phrase "Tu me donneras des nouvelles de madame Altun " est expliquée par Kaurine Lakajzen dans son livre (p.78) : "djoya", mot espagnol signifiant « bijou » et « altin » mot turc signifiant « or ». Raphaël demande à sa femme si elle a réussi à vendre les bijoux.


Pris dans une rafle le 20 août 1941 à Paris, Raphaël Eskénazi est interné à Drancy. Tombé malade, il est transféré et soigné à l'hôpital Tenon puis à l'hôpital Rothschild. Il sera déporté vers Auschwitz en septembre 1942.
Raphaël et Marie Eskénazi (née Senie) se marièrent à Paris en 1920 et eurent trois enfants: Esther, Kaurine et Victor (dit aussi Victor-Menaché). Marie était réparatrice de tapis et venait d'une famille d'Istanbul. Raphaël venait d'Ankara et était tailleur. Le frère de Raphaël, Joseph était professeur de français en Turquie. Sa femme se nommait Esther. Une fois immigré en France, Joseph est cordonnier.
Description
Une carte portant recto-verso un texte manuscrit.
Langue
Français
Inscriptions
Recto:
"Drancy le 2/8/1942 Ma chère Marie et mes chers enfants. En réponse à votre charmante carte du 26 écoulé par laquelle je suis très satisfait de lire vos bonnes nouvelles quant à moi je me trouve en parfaite santé. Je suis très content que vous allez de temps en temps voir le cousin Pepo à la campagne. Je t’en prie chère Marie de bien soigner les enfants et de leur donner autant que possible à manger surtout en matière grasse car je me fais beaucoup de soucis pour eux et que je sais surtout que le petit Victor est toujours pâle. Et je te le rappelle sans me lasser de faire rentrer les enfants le soir d’assez de bonne heure et même toi. Et je prie expressément mes chères filles de bien vouloir donner un coup de main à maman pour qu’elle ne se fatigue pas de trop et j’espère qu’elle le font car c’est le moment de se donner la main. et cette phrase tu la feras lire à Corine et à Esther et je suis bien sûr qu’elles m’écouteront. Je pense surtout à la chère Esther au sujet de ses rhumatismes comment va-t-elle de sa santé ? Je suis très content que la chère Esther continue à travailler seulement est-ce qu’elle s’en va tous les jours à l’atelier ? et combien gagne-t’elle ? Reçu dans le colis de linge une paire de semelle une veste la boîte en fer, un tube de secottine papier hygienique chausse pied et le morceau de tissu en rayures je te remercie infiniment pour le soin que tu as eu en m’envoyant tous ces articles Dieu qu’Il veille sur toi et sur ta santé Amen. Chère Marie je suis très inquiet au sujet de la perte de ton nefus [?] (acte de naissance) j’ai bien peur qu’un jour te soit grandement besoin je te prie de faire le possible de le chercher partout et de faire la maison sens dessus dessous et de fouiller partout et dans le portefeuille en cuir que tous les papiers étaient gardés là et de le découvrir. Car c’est impossible il doit être à la maison où veux tu qu’il soit ? On l’a »
Verso :
« jamais utilisé en d’autres temps et on ne s’est jamais servi jusqu’à présent pour qu’il soit égaré ainsi. Il doit être dans quelque part, mais à la maison avec un peu d’attention tu pourras le trouver. Envoi moi un bout de savon, même très peu s’il le faut mais de bonne qualité et tu peux me l’envoyer dans le colis alimentaire. Chère Marie je reçois de temps à autre quelques gâteaux secs et biscottes. je voudrais qu’à la place de tout ça que tu me mettes un morceau de pain en plus il me servira mieux. Le chocolat que tu m’envoies des fois je le prends avec regret est-de que les enfants n’en sont pas privés ? Je voudrais que tu me donnes des nouvelles de Madame Djoya Altun comment va-t-elle de sa santé ? Je te renvoie les serviettes de table parce qu’elles sont très salissantes je voudrais que tu m’envoies un torchon moins salissant et cela me suffira assez bien. En même temps je te renvoie quelque linge propre parce que j’en ai de trop quand j’aurai besoin je te ferai la demande tu n’as qu’a m’envoyer le linge sale que je t’envoie à chaque fois. tu recevras en même temps un livre que je n’ai plus besoin. Les draps de lit en couleur que tu m’as envoyés je les ai toujours dans la valise et je ne m’en sers pas. J’ai le cœur serré et meurtri de voir ici au camp l’arrivée de la chère Anoum. On est ici comme des fous de la voir parmi nous à mon cher cousin Isaac je lui recommande courage et patience qu’il ne s’affole pas le Tout Puissant veillera sur nous tous et il nous debarassera de tous ces malheurs. Plus pour le moment autre chose à vous écrire. Je termine ma lettre en vous embrassant bien fort à toi chère Marie Esther Corine, Victor, chère Maman belles sœurs beaux frères belle mère, cousins cousines et à tous les membres de la famille de votre cher mari et papa. A bientôt. R. ESKENAZI »
Bibliographie
Kaurine Lakajzen, "Avoir 13 ans sous l'occupation allemande (1941-1945). Lettres de mon père". Traduction du judéo-espagnol par Haïm Vidal Sephiha.