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Lettre à sa femme Marie Eskénazi

ESKENAZI, Raphaël
Drancy, Seine-Saint-Denis, France,
1942.09.03
Inv.
2008.14.021
Document d'archives
Lettre
Dimensions :
H. 13,5 - L. 10,5 cm
Ecriture manuscrite à l'encre sur papier, mine de plomb.
mahJ,
don de Kaurine Lakajzen née Eskénazi

Pour toute demande de reproduction veuillez contacter la photothèque.

Appartenance à un ensemble
Ensemble de 26 lettres et 3 contrats
Destinataire
ESKENAZI, Madame Marie
Justification de la date
Date inscrite sur la feuille
Historique
Voir aussi l'ensemble des lettres en judéo-espagnol MAHJ 2003.27.
Pris dans une rafle le 20 août 1941 à Paris, Raphaël Eskénazi est interné à Drancy. Tombé malade, il est transféré et soigné à l'hôpital Tenon puis à l'hôpital Rothschild. Il sera déporté vers Auschwitz en septembre 1942.
Raphaël et Marie Eskénazi (née Senie) se marièrent à Paris en 1920 et eurent trois enfants: Esther, Kaurine et Victor (dit aussi Victor-Menaché). Marie était réparatrice de tapis et venait d'une famille d'Istanbul. Raphaël venait d'Ankara et était tailleur. Le frère de Raphaël, Joseph était professeur de français en Turquie. Sa femme se nommait Esther. Une fois immigré en France, Joseph est cordonnier.
Description
Une carte portant recto-verso un texte manuscrit. Petite croix de censure au crayon rouge au recto à gauche et un mot souligné dans le texte.
Langue
Français
Inscriptions
Recto:
"Drancy le 3/9/1942/ Ma très chère Marie et très chers enfants,/ Je m'empresse de vous faire réponse à votre charmante carte du 24 écoulé par laquelle j'ai appris que vous êtes tous en parfaite santé. Quant à moi je le suis également. Je suis très satisfait de lire que tu as trouvé le paquet de nos papiers, ton refus et les passeports pourvu que cela nous valent à quelque chose. Quant au sujet des beyannamés je ne comprends pas pourquoi vous n'êtes pas d'accord, toi avec la chère Esther ? toi, tu me dis qu'elles ne sont pas renouvellables tandis que la chère Esther a écrit à Joseph qu'elles le sont. Ici même nous avons entendu parler à leur sujet qu'elle sont renouvellées contre 80 francs et qu'il faut fournir toutes les pièces d'identité qu'on avait fournies lors de la première déclaration et que ces pièces nous sont retournées dans la quinzaine suivante. Donc renseignez-vous et agissez en conséquence. Dans le dernier colis à linge tu as commis l'imprudence de me mettre des choses comestibles et nous avons eu de difficulté ne recommencez plus car nous risquons d'avoir un bon de colis de moins. Nous avons déjà reçu assez dans le dernier colis maintenant il s'agit d'avoir le courage et l'appétit pour pouvoir le manger. Ne m'envoies pas trop de linge car il ne faut pas que nous soyons trop chargés. Je t'ai renvoyé les sandalles elles étaient percées et après cela elles ne me sont pas utiles ici et je ne veux pas que tu me les renvoies. Pour le moment nous sommes ici, il faut souhaiter que nous restions pour toujours et que nous ne partirons pas. Priez le Tout Puissant en ce mois de piété et de grâce que nous soyons libérés nous tous d'ici pour la maison et que nous ne soyons pas éloignés de nos chères familles. Envoie les enfants à la synagogue pour qu'ils prient pour notre libération. Et avec la nouvelle année qui va bientôt commencer Dieu fera sonner l'heure de notre délivrance"
Verso (suite):
"et mettra fin à ce terrible cauchemar en nous faisant réunir tous les membres de la famille sous le même toit pour célébrer cette fête de Roche-achana avec alegresse et sa tradition habituelle et là nous fêteront en même temps notre retour au foyer. Et à l'occasion de la sollennité de cette fête, je vous dis Lechana Tova Ticatevu et vous embrasse à toi ma chère Marie de tes deux joues à mes chers enfants, Esther, Corine Victor les embrasse en les serrant dans mon coeur à ma chère Maman et chère belle soeur Esther les embrasse bien fort à ma chère belle-mère l'embrasse aussi bien fort à mes beaux frères avec toutes leurs familles passe mes sincères bonjours et les embrasse en même temps. au cher Cousin Isaac avec les chers enfants Jomtov Cadem[?] les embrasse et leur souhaite bonne et heureuse année. Patience et courage Dieu abrégera notre captivité et celle de la chère Anoum et elle rentrera saine et sauve à la maison. Amen. Chère Marie je te recommande de bien réconforter ma chère maman tenez lui toujours compagnie et mangez toujours ensemble. Tâche d'aller avec la chère Esther à l'adresse que vous a marqué Joseph et tâchez de faire quelque chose. Débrouillez vous n'importe comment. Je t'ai envoyé le drap de lit je ne l'ai pas besoin j'ai un en cas que j'aurai besoin. J'ai rencontré ici Melle Dreyfus il y a déjà un mois qu'elle est ici. Plus rien à vous écrire Je termine ma lettre en vous embrassant tous bien fort et en priant le Tout Puissant qui nous fasse réunir autour de la table familiale le plus tôt possible et souhaitons que ce soit le dernier courrier et au prochain que nous soyons tous auprès de vous pour célébrer les grandioses fêtes qui se préparent à venir Amen. Bien bonjour à Renée avec Jacques aux cousins Bonomo et Azous et à tous les parents et amis. De la part de Marco vous passe le bonjour à vous tous et je termine en vous embrassant une deuxième fois et à bientôt de ton cher mari et cher papa. R. ESKENAZI"
Bibliographie
Kaurine Lakajzen, "Avoir 13 ans sous l'occupation allemande (1941-1945). Lettres de mon père". Traduction du judéo-espagnol par Haïm Vidal Sephiha.