Lettre
RABAUD, Camille
Castres, Tarn,
1899.09.10
Inv.
97.17.033.007Document d'archives
Lettre
photo © mahJ
Dimensions :
H. 20,8 - L. 13,4 cmEcriture manuscrite à l'encre sur papier à en-tête imprimé.
mahJ,
don des petits-enfants du capitaine Dreyfus
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Appartenance à un ensemble
Fonds Alfred DreyfusDestinataire
DREYFUS, LucieHistorique
Lettre de soutien du président honoraire du Consistoire de Castres (protestant).Description
3 pages.Inscriptions
Transcription : Consistoire de Castres
Castres, le 10 septembre 1899
Président honoraire du consistoire
Madame
Les dépêches de ce matin nous atterrent. C’en est donc fait, le crime est consommé. Une seconde fois, votre mari subit le martyre, comme le subirent avec la même innocence Calas et Sirven, mes coreligionnaires, en 1762.
Israélites et protestants, à travers les siècles, nous avons les mêmes bourreaux : le cléricalisme et le militarisme qui, dans leur soif de domination, ont toujours écrasé les minorités indépendantes et qui, à cette fin, corrompent et dissolvent la conscience nationale.
Ne perdez pourtant pas courage, Madame. Vous traversez, il est vrai, la plus terrible des épreuves, — vous et votre noble mari. Mais « Dieu règne » Ps 96.10. Le Dieu d’Israël qui est aussi le Dieu de la Réforme, un jour confondra l’iniquité et en réhabilitera les victimes. S’il permet des tribulations, incompréhensibles pour notre courte vue, il saura, dans sa puissance et son amour, susciter les moyens d’inverser les rôles, de faire « des premiers les derniers » et « des derniers les premiers ».
Vous éprouverez qu’il y a encore du « baume en Galaad pour panser nos blessures » Jérémie 8.22. Croyez-le, Madame, croyez-le fermement. Que M. Dreyfus, qui sera toujours le Capitaine Dreyfus pour la partie saine de la Nation, continue de se montrer toujours supérieur à tout abattement.
Que, loin d’attenter à ses jours, il se fasse un devoir de vivre pour crier plus haut son innocence. Qu’il cherche en Dieu sa force et son espérance ; Dieu est riche en miséricorde et « il déploye sa grâce dans nos infirmités » Héb. 12.10
En Dieu je me console
Dans mes plus grands malheurs
Et sa ferme parole
Apaise mes douleurs. Ps. CXXX
Organe d’une multitude de cœurs sympathiques qui se sont solidarisés avec vous dans ce long drame et qui souffrent de vos souffrances, — je vous prie, Madame, d’agréer et de faire agréer à Monsieur le Capitaine Dreyfus l’hommage de ma haute estime et de ma plus vive compassion.
Camille Rabaud
P(asteur) Prés. hon. du Consistoire