Colonnes de Guerry
JEANCLOS, Georges
(
Paris, 1933 - Paris, 1997
)
France,
1994
Inv.
2019.09.001Sculpture
photo © mahJ / Christophe Fouin
Dimensions :
H. 226 - L. 55 - Pr. 45 cm et H. 193 - L. 50 - Pr. 45 cmTerre cuite
mahJ,
don d'Elisabeth, Marc et Emmanuel Jeanclos et Mathilde Ferrer
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Appartenance à un ensemble
Ensemble de deux sculpturesJustification de la date
Date indiquée par l'artisteHistorique
Cette œuvre monumentale de Georges Jeanclos constituée de deux colonnes est la matrice en terre cuite des deux colonnes en bronze, partie centrale du monument du souvenir édifié sur les site des puits de Guerry, un hameau situé sur la commune de Savigny-en-Septaine, à une quinzaine de kilomètres de Bourges. Chaque colonne est surmontée d’un chapiteau historié : celui de la colonne la plus haute évoque « la chute », l’autre « la montée des corps », faisant implicitement référence aux conditions du massacre de 1944. Formellement, ces colonnes sont avec le portail de l’église Saint-Ayoul à Provins, l’une des œuvres les plus monumentales de l’artiste. Le massacre des puits de Guerry, un crime contre l’humanité:
Commande du Souvenir français et du comité du souvenir de la tragédie des puits de Guerry en 1994, ces sculptures commémorent le massacre par la Milice et la Gestapo, les 24 et 26 juillet, et le 8 août 1944, de trente-six juifs, dont certains furent précipités vivants dans les puits d’un hameau isolé de la campagne berrichonne, en représailles de la libération de Saint-Amand-Montrond par les maquisards le 6 juin 1944.
Les victimes, arrêtées les 26 juin et 22 juillet à Saint-Amand-Montrond et emprisonnées à Bourges, devaient être déportées, mais, dans le contexte de la débâcle de la Wehrmacht, l’ordre fut donné de les exécuter sur place. Parmi les prisonniers figurait Charles Krameisen qui parviendra à s’échapper, sera hébergé par un agriculteur de Savigny-en-Septaine, puis, se cachant de ferme en ferme, regagnera Saint-Amand-Montrond. Après la libération de Bourges, il suscitera les recherches avec des membres des familles des victimes. Débutées le 6 septembre 1944, ces recherches aboutirent le 9 octobre à l’identification du site, et les cadavres seront remontés des puits à partir du 19 octobre. Parmi les victimes figuraient Pierre et Fanny Jeankelowitsch, oncle et tante de Georges Jeanclos, gestionnaires du magasin Sivry à Vierzon.
Un lieu de mémoire depuis la Libération:
Le site devient très tôt un lieu de mémoire de la résistance et de la déportation en Berry. Le 15 juillet 1945, la Fédération des Sociétés juives de France organise une cérémonie religieuse à la mémoire des victimes au cimetière de Saint-Amand-Montrond. Le 5 août 1945, une cérémonie organisée par le Comité berrichon du souvenir et de la reconnaissance se déroule aux puits de Guerry et une plaque de marbre y est apposée, portant le nom des victimes.
Inauguré le 18 octobre 1994, le mémorial des puits de Guerry se compose d’une plaque apposée sur un mur de la ferme, encadrée par les deux colonnes en bronze dues à Jeanclos. Le mémorial a été cofinancé par l’État, le conseil général et l’association culturelle israélite du Cher. Le site, un ensemble de plus de onze hectares formé par le corps de ferme et les trois puits, est inscrit, par un arrêté du 15 juillet 1996 de la ministre de l’Environnement, à l’inventaire des sites du département du Cher dont la conservation ou la préservation présente un intérêt général. Situé sur le polygone du champ de tir de l’établissement technique de Bourges, il est la propriété du ministère de la Défense.
Georges Jeanclos:
Figure singulière de la scène artistique du dernier quart du XXe siècle, Gorges Jeanclos est né en 1933 à Paris dans une famille juive originaire de Lettonie du côté paternel, dont une partie des membres étaient installés à Vierzon, où ils tenaient un important commerce de vêtements, et du Comtat Venaissin du côté maternel.
Marqué par l’Occupation, qu’il passe enfant dans la clandestinité à Vichy, Jeanclos intègre l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de 1952 à 1958, après un apprentissage à Cusset dans l’Allier, chez le sculpteur Robert Mermet (1896-1988) de 1947 à 1949, avec lequel il apprend les techniques classique du modelage de l’argile. Grand prix de Rome en 1959, il est pensionnaire de la Villa Médicis pendant quatre ans. En 1960, il épouse en premières noces Jacqueline Gateau avec laquelle il a trois enfants : Marc, Elisabeth et Emmanuel. Rentré à Paris en 1964 , il devient professeur à l’École supérieure des beaux-arts du Mans de 1965 à 1966. Il est ensuite nommé, à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. Il y fait connaissance de Mathilde Ferrer, sœur de l’artiste Esther Ferrer, qui créera et dirigera la médiathèque de l’ENSBA, et que Jeanclos épousera en secondes noces.
Jeanclos façonne – avec une technique très spécifique recourant à de fines feuilles d’argile sans glaçure – des sculptures figuratives qui déploient un monde de personnages énigmatiques aux visages lisses, aux crânes chauves, vêtus de draperies, de linceuls ou de haillons, qui rappellent tant les momies précolombiennes que la figure du Golem, issue de la tradition juive. Dans les années 1970, il réalise en terre cuite la série des "Dormeurs" dont la manufacture de Sèvres fera un tirage en biscuit de porcelaine. S’il grandit sans pratique religieuse, il revient progressivement au judaïsme après 1968, et s’installe rue des Ecouffes à proximité de la rue des Rosiers. La mort de son père en 1976 le conduit à réaliser la série des urnes "Kaddish" (prière pour les morts).
En 1982, le ministère de la Culture lui confie la création de l’atelier de recherches et de créations de la manufacture nationale de céramique de Sèvres. Il expose à la galerie Albert Loeb à Paris. À partir de 1983, Jeanclos ajoute à sa signature le nom de jeune fille de sa mère, « Mossé » (caractéristique du Comtat Venaissin), qui disparaît de ses œuvres cinq ans plus tard, année où il reçoit la commande de la réfection du tympan du portail de l’église Saint-Ayoul à Provins, orné de sculptures en bronze et inauguré en 1986. Il entreprend un voyage au Japon en 1984 qui lui inspire la sculpture "Hiroshima et les Kamakuras" (figures de bonzes méditatifs cernés par leur vêtement déployé). Parmi ses œuvres les plus notoires, on distingue également la grande porte en bronze du ministère des Finances à Bercy, le monument à Jean Moulin dans les jardins des Champs-Elysées, ainsi que les fontaines de la place Stalingrad et de l’église Saint-Julien-le-Pauvre à Paris.
Plusieurs œuvres de Jeanclos sont conservées dans différentes collections publiques (CNAP ; FMAC de Paris ; Frac Normandie, Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne ; musée Cantini à Marseille, La Piscine à Roubaix, MAMVP). Le mahJ conserve deux autres sculptures de Jeanclos : "Adam et Eve" (terre cuite, 1987), "Couple" (bronze, 2006), et trois sculptures de la série "Kaddish" (1985) déposées au mahJ par la fondation du judaïsme français.
Provenance
œuvre léguée par l'artiste à sa veuve et à ses enfantsDon de la veuve et des trois enfants de l'artiste
Description
Deux sculptures chacune constituée de trois futs empilés l'un sur l'autre (motifs circulaires) et d'un chapiteau figurant un enchevêtrement de corps humainsBibliographie
- Georges Jeanclos, "Terres", Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, coll. « Ecrits sur l’art », 1991- Marie-José Mondzain, "Georges Jeanclos. Sculptures et dessins" (cat. exp.), Musées du Mans, 1993
- Tzvetan Todorov, "Une tragédie française. Eté 44 : scènes de guerre civile", Seuil, 1994
- "La Tragédie des puits de Guerry, près Bourges, Cher", Comité du souvenir de La Tragédie des puits de Guerry, 1995
- Françoise Magny (dir.), "Georges Jeanclos" (cat. exp.), Musée de l’hospice Comtesse, Lille, 1999 (textes de Marie-José Mondzain, Alain Bonfand et Françoise Magny)
- Jacques Sojcher, "Jeanclos", Editions du Cercle d’art, 2000
- "La tragédie des puits de Guerry", Archives départementales du Cher, dossier mis en ligne en avril 2014, mis à jour en août 2015
- "Georges Jeanclos. Murmures", cat. exp. galerie Capazza à Nancay et palais Jacques Cœur à Bourges (juin-septembre 2017), éditions galerie Capazza, 2017