Ornement de bâton de Torah
Bayonne, Pau, Bordeaux,
1798-1809
Inv.
2012.01.001.01-02Objet cultuel
Ornement de bâton de Torah
Rimmon, rimmonim, רמון, רמונים
photo © RMN-Grand Palais - mahJ / Thierry Ollivier
Dimensions :
H. 32 - L. 14,3 - D. (hampe) 3,3 cmArgent fondu et gravé, et vermeil
mahJ,
Acquis avec la participation du FRAM d'Ile-de-France
Pour toute demande de reproduction veuillez contacter la photothèque.
Appartenance à un ensemble
PaireContexte d'utilisation
Culte synagogalHistorique
Il convient de rappeler qu’à la veille de la Révolution, les juifs n’ont pas d’existence légale dans les cités du royaume ; les foyers essentiels d’implantation des communautés juives sont : - l’Alsace, rattachée à la France par le traité de Westphalie en 1648 ;
- les duchés de Lorraine et de Bar, rattachés de jure en 1738 par le traité de Vienne ;
- les quatre villes du Comtat Venaissin, possession pontificale : Avignon, Cavaillon, Carpentras, l’Isle sur Sorgue ;
- et le sud-ouest où des juifs, fuyant l’Inquisition qui sévit dans la péninsule ibérique, entrent comme « nouveaux chrétiens » dans le royaume de France à partir de 1550 grâce aux lettres de naturalité que leur accorde Henri II. Ils s’installent à Toulouse, Bordeaux, Bidache, Bayonne, Peyrehorade et La Bastide-Clairence puis dans des villes portuaires : La Rochelle, Nantes, Rouen et Le Havre ; (cf G. Nahon, Les Nations juives portugaises du sud-ouest de la France. 1684-1791, Fondation Gulbenkian, 1981)
- leur présence à Paris n’est que tolérée pour des périodes et des buts déterminés même si dans les années 1780, leur implantation est telle qu’ils doivent demander l’établissement de cimetières.
Les lieux de prière sont le plus souvent des oratoires privés ; des édifices synagogaux à proprement parler ne voient le jour que tardivement ; à Lunéville en 1785, est inaugurée la première synagogue depuis l’expulsion des juifs de France prononcée en 1394.
Les rimmonim sont traditionnellement enchâssés sur les deux bâtons autour desquels est enroulé le long parchemin sur lequel est calligraphié la Torah, le Pentateuque (cinq premiers livres de la Bible hébraïque) ; ils ont pour nom rimmonim (grenades) en terre occidentale et tapuhim (pommes) dans le monde oriental, en référence aux fruits bibliques. Parfois, ils sont accompagnés d’une couronne qui ceint le haut de la Torah.
Les rimmonim portent gravé le nom de leur propriétaire D. A. Léon. L’usage chez les juifs dits portugais était d’apporter les ornements en dépôt à la synagogue mais d’en demeurer, sauf acte contraire, propriétaire, ainsi qu’en attestent les précieux documents d’inventaires des premières synagogues amstellodamoises. On peut, de la sorte, suivre l’itinéraire des personnes au gré des objets qu’ils apportent à une synagogue puis à une autre en raison d’un déménagement.
L’histoire de la famille Léon est bien documentée dans l’ouvrage de Jean Cavignac. Dictionnaire du judaïsme bordelais aux XVIIIe et XIXe siècles (A. D. de la Gironde, 1987). Le nom qui figure sur les hampes des rimmonim est celui de David Auguste Léon, (Bordeaux, 1809- ?) sixième enfant du négociant Abraham Léon l’Aîné (Bayonne, 1764 - Bordeaux, 1836) et de Rebecca-Rosalie Lopes-Dubec (1779-1835), fille du négociant Salomon Lopes-Dubec qui joua un rôle de premier rang dans l’obtention, les 27 et 28 janvier 1790, à la veille de la dissolution de l’Assemblée Nationale, de la loi reconnaissant que : « Tous les juifs connus en France sous le nom de juifs portugais, espagnols, avignonnais, continueront de jouir des droits de citoyens actifs dont ils avaient joui jusqu'à présent. ».
Abraham Léon exerça d’abord une activité de négociant à Saint-Esprit-les-Bayonne avant de s’installer à Bordeaux en 1804 où il fonda, avec son frère Isaac (demeuré à Bayonne), la maison de commerce « A. Léon aîné et frère » puis « Léon frères » dont les relations commerciales s’étendirent au Mexique, aux Antilles, aux mers du Sud et à l’Inde. Les trois fils d’Abraham l’Aîné, Jacob-Alfred, Salomon-Émile et David-Auguste l’aideront et lui succèderont à la tête de la société. En 1859, la firme compte deux maisons (établies à Bordeaux, Bayonne) et une agence à Saint-Sébastien.
Les circonstances dans lesquelles un membre de la famille Léon a pu apporter ces pièces à Toulouse demeurent encore inconnues.
Provenance
Racheté par l'ancien propriétaire à une association cultuelle à Toulouse il y a plus de vingt ans dans un lot d’objets et de livres mis au rebut.Description
La morphologie des rimmonim participe à la fois de la tour et de la forme renflée d’un fruit. Les grelots, moins fréquents que les clochettes, sont tous présents et de fort belle qualité. Le décor sobre les distingue du type italien qui a pu influencer la production française après la dissolution des « carrières » (ghettos) du Comtat Venaissin en 1792. Il est amusant de constater que l’ornementation gravée, assez primitive, vient reprendre le motif de clochettes comme pour accentuer la fonction sonore – voire musicale – des rimmonim.Les rimmonim présentent un corps hexagonal à pans gravés dont les arêtes supportent chacune un grelot en vermeil. Le corps central est surmonté d’un bulbe renflé gravé d’oves entre lesquelles sont également fixés des grelots plus petits au nombre de six. Ils se terminent par une calotte dorée ceinte d’un bandeau pris entre deux torsades.
Marques
Poinçons de l’orfèvre, de titre et de la garantie à la base de la hampe et sur la base de la terminaisonInscriptions
Les ornements sont marqués de poinçons de titre différents sur la hampe (coq province, 2e titre) et sur la partie supérieure de l'objet (coq province, 1er titre). Cela incite à penser que les deux parties ont pu être fabriquées, ou réparées, et poinçonnées à des moments légèrement différents (mais toujours dans la période 1798-1809). Le poinçon de garantie sur la hampe indique Bayonne ou Pau (poinçon de garantie : tête d'homme de face, "75". Voir E. Beuque et M. Frapsauce, Dictionnaire des poinçons des maîtres-orfèvres français du XIVe siècle à 1838, réimpression, Paris, de Nobele, 1988)
Le poinçon de l’orfèvre IL est visible dans un losange (Jean et Jacques Clarke de Dromantin, Les orfèvres de Bordeaux et la marque du Roy, Ed. Puygiron, 1987).
Bibliographie
Une paire de rimmonim identique à celle-ci, portant l’inscription « MOIZE DM NUNES 1824 », a été publiée en 1992 dans le catalogue d’une exposition consacrée aux Juifs à Bayonne du Musée Basque (cat. n° 95 et 96, seule la photo du n° 95 est reproduite).Publication
- "Art et histoire du Judaïsme, un abécédaire", Paris, coédition mahJ/Flammarion, 2018, 254 p. (p.22-23).- "Musée d’art t d’histoire du Judaïsme", Connaissance des Arts, hors-série, 2016, 66 p. (p.33)