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Lettre à sa femme Marie Eskénazi

ESKENAZI, Raphaël
Drancy, Seine-Saint-Denis, France,
1942.08.18
Inv.
2008.14.025
Document d'archives
Lettre
Dimensions :
H. 13,5 - L. 10,5 cm
Ecriture manuscrite à l'encre bleue et violette sur papier ligné à la mine de plomb.
mahJ,
don de Kaurine Lakajzen née Eskénazi

Pour toute demande de reproduction veuillez contacter la photothèque.

Appartenance à un ensemble
Ensemble de 26 lettres et 3 contrats
Destinataire
ESKENAZI, Madame Marie
Justification de la date
Date inscrite sur la feuille
Historique
Voir aussi l'ensemble des lettres en judéo-espagnol MAHJ 2003.27.
Pris dans une rafle le 20 août 1941 à Paris, Raphaël Eskénazi est interné à Drancy. Tombé malade, il est transféré et soigné à l'hôpital Tenon puis à l'hôpital Rothschild. Il sera déporté vers Auschwitz en septembre 1942.
Raphaël et Marie Eskénazi (née Senie) se marièrent à Paris en 1920 et eurent trois enfants: Esther, Kaurine et Victor (dit aussi Victor-Menaché). Marie était réparatrice de tapis et venait d'une famille d'Istanbul. Raphaël venait d'Ankara et était tailleur. Le frère de Raphaël, Joseph était professeur de français en Turquie. Sa femme se nommait Esther. Une fois immigré en France, Joseph est cordonnier.
Description
Une carte portant recto-verso un texte manuscrit.
Langue
Français
Inscriptions
Recto:
"Drancy le 18/8/1942/Ma très chère Marie et très chers enfants. J’ai en mains votre charmante carte du 9 crt [courant] par laquelle ayant appris de vos bonnes nouvelles je m’empresse par la présente à vous donner des miennes qui sont également très satisfaisantes et je me trouve en parfaite santé. Dans cette carte je te fais des recommandations capitales au sujet des ordonnances et de bien faire attention : N’entrez pas aucun de vous ni dans les cafés ni dans les cinémas ni dans aucun lieu public, que les enfants et la chère Esther en particulier ne négligent pas le port de l’insigne car cela peut entraîner des ennuis. Si vous voulez ma tranquillité vous observerez toutes ces recommandations qui sont notre bien commun. Au sujet du colis de linge que tu me dis je suis tes conseils et je me change toutes les semaines. Seulement je voudrai que tu m’envoies les tricots à manches longue. Il y a quelque temps que je t’avais dit d’aller chercher ma montre chez l’horloger que j’avais donnée à réparer. Mais j’ai oublié de te demander est-ce qu’il t’a rendu le couvercle en or que je lui avais dit de m’enlever et de me le remplacer par un couvercle [illisible] ou en celoloïds [celluloïd ?] ? Je suis très inquiet à ce sujet ; et je veux que tu me tranquilises. Dans une de tes dernières cartes tu m’avais écrit que Corine et Victor fréquentent le Talmud-Thora est-ce qu’ils continuent à le faire ? Quant au Taled sois tranquille il ne m’est pas besoin ici nous faisons la prière beyahide donc je ne m’en sers pas de cet objet et je préfère ne pas le voir traîner ici. Dans le dernier colis de linge sale je t’avais envoyé un livre et il en sera de même du prochain colis et tu recevras un deuxième livre que je ne l’ai plus besoin. Tu ne m’as pas dit pourquoi cette semaine chères Maman et Esther ne sont pas allées à la campagne voir Pepo ? Je voudrais que vous vous informiez auprès »
Verso :
« du Consulat au sujet des attestations des beyannamés, elles datent du 26 juin et elles expirent le 26 septembre sont elles toujours valables ? Allez vous informer. Que se passe-t-il dans ces demarches ? N’y a-t-il quelque chose de nouveau qu’entendez vous ? Quant aux instructions que je t’avais données dans ma dernière lettre au sujet de l’emploie de la chère Esther et tout ce qui s’en suit tâche d’aboutir à bon résultat et tiens moi au courant de tout ce que tu as fait. S’il t’est possible et si tu trouves tu m’enverras un étuit pour garder mes lunettes car je risque de les casser en les gardant n’importe où un étuit même qu’il soit en carton. Je te rappelle encore une fois au sujet du pain tâches de m’en mettre un bout en supplément. Envoie-moi un peu de thé avec quelques comprimés de saccharine. Dans un petit flacon tu me mettras un peu d’huile et de vinaigre sans oublier un peu de sel. Excuse moi de tous ces ennuis que je te donne il faut espérer qu’ils ne soient plus pour longtemps et qu’ils finissent vite en nous réunissant toute la famille comme par le passé et là ce sera le bonheur de tous et la fin de ce cauchemar. Plus autre chose à vous écrire. Je t’embrasse chère Marie bien fort à toi et j’envoie mes baisers affectueux à la chère Esther chère Corine et cher Victor j’embrasse fortement ma chère Maman et chère belle-mère beaux frères, belles sœurs, cousins, cousines et toutes leurs familles et je termine ma carte en vous embrassant tous bien fort de ton cher mari R. ESKENAZI »
Bibliographie
Kaurine Lakajzen, "Avoir 13 ans sous l'occupation allemande (1941-1945). Lettres de mon père". Traduction du judéo-espagnol par Haïm Vidal Sephiha.